jeudi 11 janvier 2018

Moins de vitesse et plus de fric



Le gouvernement montre son autorité en stigmatisant les SDF qui ne veulent pas aller dans des locaux insalubres et dangereux, en houspillant les chômeurs qui ne recherchent pas assez activement un emploi, en pourchassant les profiteurs pauvres, et en pénalisant les automobilistes une fois de plus par la taxe sur le gasoil et la limitation de vitesse à 80 km/h sur les routes. Je ne peux que souscrire à cette dernière mesure… en tant que physicien. En effet par la réduction de la vitesse à 0 km/h, le problème des accidents de la route est résolu, et personne ne peut dire le contraire. Par ailleurs la physique m’indique que tout corps en mouvement est doté d’une énergie cinétique qui, brutalement stoppée, se dissipe au moment du choc entraînant la « déformation » de ce corps et de ce qu’il contient, dans notre cas le véhicule et ses passagers. Plus la vitesse créant cette énergie cinétique est grande, plus en cas de choc la « déformation » sera importante, et plus les dégâts seront grands, donc sur le véhicule et ses passagers. Au nom de ce principe physique, on en déduit que le nombre de tués diminue avec la vitesse du véhicule… et il suffit donc d’imposer une vitesse plus réduite. CQFD 

Seulement voilà, pour qu’il y ait mort encore faut-il qu’il y ait accident et donc choc. Nos satellites propulsés à 28000 km/h dans le vide sidéral ne créent pas d’accident sauf choc improbable contre un autre objet satellisé ou une météorite. Le lien entre la vitesse et la probabilité d’accident n’est plus lié à l’énergie cinétique mais à de nombreux paramètres dont la qualité de réaction pertinente du conducteur, de la densité de circulation, des conditions climatiques, de la qualité des infrastructures, etc. Donc la diminution du nombre de morts passe d’abord par la diminution de la probabilité d’accident avant la mise en cause de la vitesse qui joue directement sur la probabilité de mort en cas d’accident, ce qui est fondamentalement différent. C’est ce que l’on met entend dans les conversations de café où l’on vous assène qu’un véhicule lancé à 200 km/h a plus de chance de créer un accident qu’un véhicule roulant à 80 km/h. 

Malheureusement c’est sur ses conversations de café que s’appuie le gouvernement pour nous passer la nécessité d’abaisser à 80km/h la vitesse sur les routes. Il fait passer la dangerosité de la vitesse sur la probabilité de mort sur celle de la probabilité d’accident pour justifier sa mesure. C’est cela qui est un enfumage et une arnaque. Là ce n’est plus le physicien qui parle mais le citoyen et l’automobiliste. La probabilité d’accident a de multiples causes dont la vitesse n’apparaît pas le facteur prépondérant par rapport à l’alcool, à la qualité des infrastructures et leur adéquation à la circulation, à l’âge des conducteurs et des véhicules, à l’entretien de ceux-ci, à l’expérience des conducteurs dans toute situation climatique, d’heure de la journée et de densité de climatisation, etc. A titre d’illustration et non de démonstration, j’ai eu sur les 10 dernières années un accident à conséquences corporelles en milieu urbain à 20km/h dû principalement à une insuffisance de signalisation. Pendant cette période j’ai parcouru les routes d’Europe en frôlant (hum !) en permanence les limitations de vitesse et cela sans autre accident. Vouloir agir efficacement sur les accidents de la route en limitant la vitesse est donc une contrainte à la liberté d’agir qui s’appuie sur d’autres considérations bassement financières et politiques.

A ce sujet il faudrait que l’on explique aux français pourquoi l’Allemagne, où la limitation de vitesse est à 100 km/h sur les routes et sans limitation sur les autoroutes, a moins de morts au km parcouru ! D’ailleurs on pourrait suggérer au gouvernement, qu’au lieu de donner une vitesse applicable partout, on pourrait, à l’heure des routes solaires, imaginer une limitation de vitesse adaptée à la dangerosité des infrastructures, du relief et des variations météorologiques. Si j’ai pu rouler à 200 km/h en allant sur Nuremberg, j’ai été ramené à des vitesses inférieures sur certains tronçons. A l’heure de l’intelligence artificielle ne serait-il pas temps de rendre la signalisation elle-même intelligente. Rouler à 80 km/h sur une route large et droite pendant des kilomètres rend-il le conducteur plus attentif qu’à 90 km/h ? Non plutôt moins mais plus impatient c’est sûr et moins compréhensif de l’apport de cette entrave sur sa sécurité. On peut d’autant mieux exercer son autorité qu’elle paraît résoudre intelligemment les problèmes… à moins que Macron ne nous juge même incapables de comprendre ça. 

Par contre elle a un impact économique considérable puisqu’elle touche le réseau des routes entretenues majoritairement par les régions et les départements et qui dessert principalement toute la ruralité. On imagine la joie des transporteurs qui sillonnent ces routes pour livrer leurs produits, et celle des forains. Leur temps de trajet est d’un seul coup augmenté de 10%. La tournée des livreurs n’atteindra plus que 9 clients sur 10 et le forain sera tenté de supprimer certains marchés car le temps pour les atteindre deviendra trop long. Quand on veut relancer l’activité économique, il faut réfléchir à cet aspect avant de décider. Mais il faut aussi penser que cette mesure va inciter des particuliers et des transporteurs à abandonner le réseau routier secondaire pour aller sur les autoroutes. Il augmentera la densité de circulation sur ces voies, la probabilité de bouchons et d’accidents.

Il y avait-il urgence de prendre cette mesure contraignante ? Les chiffres de 2017 n’ont pas encore eu le temps d’être analysés sérieusement que l’on prend une décision dans la précipitation. Ce n’est déjà pas une attitude responsable. Le nombre de tués est toujours évalué à 30 jours après l’accident et les derniers chiffres publiés pour 2017 sont ceux de novembre. 281 personnes sont décédées en novembre, soit +8.9% par rapport à 2016. Les 23 personnes tuées en plus sont essentiellement des motocyclistes et des automobilistes. Se baser sur une statistique mensuelle pour prendre une décision aussi importante pour la vie des français et pour l’économie relèverait d’un amateurisme coupable. Gageons donc que les raisons sont autres. 

Les statistiques sûres montrent qu’il n’y a pas d’urgence. Si le nombre annuel de personnes tuées par million d’habitants est stable depuis deux ans, le nombre de personnes tuées par milliard de km parcourus est en baisse ! Il n’y a donc pas d’urgence, sauf que l’UE nous demande d’atteindre 2000 tués par an en 2020. Si c’est cet argument qui nous est servi ou qui motive le gouvernement, cela prouve deux choses. La première est que des technocrates de Bruxelles imposent aveuglément des directives à partir de leurs bureaux sans tenir aucun compte de l’impact différent par pays. La seconde est que la solution de jouer sur la vitesse pour atteindre cet objectif est inefficace et illusoire pour atteindre une diminution de 40% des tués en 3 ans. La moyenne des diminutions obtenues sur 3 ans depuis 2000 est de 16% et la diminution sur les 4 dernières années précédant 2016 est de 4,6%.

Ce qui est particulièrement choquant c’est que selon l’Observatoire National de la Sécurité routière le nombre de décès sur route hors agglomération est quasi-stable (+ 0,6 %) en 2016 tandis que la mortalité en agglomération croît de + 3,1 %. Alors on se demande vraiment pourquoi c’est sur la circulation sur les routes qu’il faut agir en priorité ! La mortalité sur les autoroutes a nettement baissé de 9,4% alors que le trafic a augmenté et que la vitesse est limitée à 130 km/h. Ce qui prouve bien que la vitesse n’est pas le facteur prépondérant de la mortalité mais que les infrastructures y jouent un plus grand rôle. On peut noter aussi que le bilan de l’année 2016, comparé à celui de 2015, a enregistré une hausse de + 11,7 % du volume total des infractions (délits et contraventions) au code de la route relevées en 2016 par les services de police et de gendarmerie nationales. La répression ne s’avère donc pas un moyen efficace de diminution des accidents mortels. 

La politique sécuritaire qui veut sanctionner pour un téléphone tenu à la main, augmenter le nombre de contrôles routiers en privatisant la répression condamnée à faire du chiffre, et limiter la vitesse sur les routes, est donc à côté de la plaque pour l’efficacité et dans le mille pour ponctionner l’automobiliste. On peut retenir l’incitation faite aux conducteurs pour mettre des dispositifs d’antidémarrage des véhicules en cas d’excès d’alcool du conducteur. C’est bien par l’amélioration du réseau routier et de la sécurité des véhicules que l’on fait progresser la diminution du nombre de blessés et de tués sur les routes. Avant la responsabilité individuelle, la responsabilité collective doit avoir joué son rôle.

La ceinture de sécurité, la déformation contrôlée des carrosseries en cas de choc, les freins à disque, la qualité des pneus, la tenue de route sont à mettre au crédit des constructeurs et équipementiers. Les autoroutes, les ronds-points, les trois voies avec voie centrale affectée, les glissières, etc. sont les améliorations dues aux autorités publiques. Le contrôle technique des voitures, à condition de ne pas pousser à l’exagération, plus souvent et moins cher, est aussi une avancée intéressante. Il faut bien comprendre que la sécurité sur nos voies de circulation actuelle et avec les véhicules récents n’a déjà plus rien à voir avec celle de l’année 2000. Plus l’effort des constructeurs et de l’État dans leurs responsabilités respectives sera important, plus la sécurité de circulation progressera. La responsabilité individuelle passe après la responsabilité collective.

Utiliser des méthodes répressives archaïques et inefficaces,

Et sous prétexte de vouloir atteindre un objectif 

Imposé par l’UE et parfaitement illusoire,

Relève d’un acte d’autoritarisme 

Qui cache son véritable but

Politique et financier !

Claude Trouvé
10/01/18

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