vendredi 31 mars 2017

La France dans l’œil du cyclone !

Joseph Stiglitz, prix Nobel en sciences économiques en 2001, disait déjà en septembre 2015 que  « l’Union Européenne est en train de détruire son avenir » et que « les premiers qui quitteront l’euro s’en tireront le mieux ». Il rappelait que la dette n’est porteuse d’avenir que si elle sert aux investissements productifs, ce que l’UE a oublié. Dans le budget français c’est en rognant sur les investissements que l’on préfère agir d’abord. La BCE ne cesse de produire de la monnaie de singe qui va directement dans la spéculation et les investisseurs se dirigent désormais principalement vers l’Allemagne qui apparaît plus sûre. Ceci renforce le déséquilibre croissant entre ce pays et les pays du sud en difficulté. C’est pourquoi la France est dans l’œil du cyclone et l’objet de toute l’attention du monde économique et politique.

D’abord elle devient faible économiquement. Elle se trouve désormais en queue de peloton de la zone euro. Son 1,2% de croissance en 2015 est devenu 1% en 2016, pour 1,5% prévue et réajustée à 1,2% dans le budget prévisionnel, mais dans le même temps la croissance de la zone euro a été de 1,7%. Le chômage stagne à 10% en France, alors qu’il est passé en deux ans de 10,2% à 9,6% dans la zone euro. Notre déficit commercial a été de 48 Mds l’an passé et monte à 8 Mds en janvier, ce qui est de mauvaise augure pour l’année 2017. Pourtant la zone euro dégage un excédent de 250 Mds, avec l’Allemagne qui en fait la plus grande part. De plus nous ne sommes toujours pas rentrés dans les critères de Maastricht. Le déficit budgétaire a été de 3,4%/PIB l’an dernier alors que la zone euro est à 1,7%. Le déficit prévu pour cette année est de 2,7%, ce qui nous ferait rentrer dans le critère fixé en dessous de 3%, mais la Cour des Comptes et la Commission des Finances de l’Assemblée jugent cet objectif peu probable compte-tenu des hypothèses de taux d’emprunt et de croissance jugées trop optimistes. Cela ne va pas mieux du côté de la dette qui atteint 96% alors que la zone euro est à 90%, toujours très loin des 60% exigés par le traité de Maastricht. 

Par contre l’Allemagne va encore très bien mais elle n’est pas la seule. On peut citer les Pays-Bas qui ont 2,1% de croissance et un chômage de 5%. Ceci fait dire aux européistes que l’on peut être en bonne situation économique en étant dans la zone euro, laissant supposer que notre mauvaise réussite est totalement due à notre faute et que nous n’avons pas bien appliqué l’austérité à l’allemande exigée. Seulement la Norvège, la Suisse, la Suède, le Danemark vont aussi bien hors de l’euro et même pour deux d’entre eux en dehors de l’UE. Par contre l’ensemble des pays du sud ne vont pas bien… Est-ce à cause du soleil qui diminue l’ardeur au travail ? Ce n’est pas une plaisanterie malheureusement car c’est ce que l’Allemagne pense de la Grèce et même de nous. Oui c’est vrai, nous n’allons pas bien. Notre PIB/habitant stagne depuis 10 ans, alors qu’il augmente dans la zone euro et nous tombons à la 28ème place mondiale. Notre dette publique a atteint 2147 Mds, et la dette grecque est de 320 Mds€. A titre de comparaison la faillite de Lehman Brothers le 28/09/08 se montait à 600 Mds€. La Grèce est sous tutelle et ne survit que des prêts accordés par la BCE et le FMI, mais l’Allemagne ne veut pas de neutralisation d’une partie de la dette grecque. L’argent provient en fait du Mécanisme européen de stabilité, le MES, doté de 900 Mds€ garantis par les Etats. Le problème est que 450 Mds€ ont déjà été utilisés dans les pays périphériques. Un défaut de la France ne pourrait pas être pris en charge par le MES et l’Allemagne ne pourrait pas non plus nous venir en aide, car l’addition serait trop lourde.

Les chantres du « Plus d’Europe » ne peuvent empêcher le pays le plus bénéficiaire de l’UE, l’ Allemagne, de refuser d’envisager de permettre instantanément la prise en compte d’un effacement des dettes et de mise à leur niveau des économies des autres pays. C’est 8 à 10% de leur PIB qu’ils devraient engager. Plus ils tarderont plus la note sera lourde car les inégalités ne cessent de s’aggraver. L’application des directives communes ne peut qu’accroître celles-ci. Mais la France avait réussi jusqu’à présent à se tenir au-dessus de la moyenne de la zone euro. Son poids intrinsèque était donc favorable ou neutre dans le déséquilibre entre pays du nord et du sud. Ce qui est nouveau, c’est qu’elle commence à basculer du côté des pays du sud en passant au-dessous de cette moyenne. Or dès que le mouvement s’amorce, il a tendance à s’accélérer. 

La France est un poids lourd dans la zone euro en y étant la deuxième économie et reste la 6ème économie mondiale. Il y a au moins trois raisons qui en font un pays systémique qui peut avoir des conséquences sur l’économie et la finance européennes et mondiales. En plus de la dégradation relative de son économie, elle inquiète le monde par la montée de la violence, le terrorisme qui en fait le 3ème pays le plus touché dans le monde hors zones de guerre, et la segmentation de la population. La troisième raison est la montée en France d’un refus de l’UE et de son corolaire l’OTAN que les Italiens regardent avec intérêt et bien d’autres peuples comme les Néerlandais. Le monde de l’économie mondialisée y voit des signes inquiétants pour tout l’échafaudage bâti sur la fin de la conversion du dollar en or et la mise en place d’un pétrodollar qui amenait la prééminence du dollar comme monnaie principale d’échanges et de réserve et la mondialisation.

La peur étreint ce monde artificiel mais lucratif des grands banquiers et lobbies, qui pratiquent l’optimisation fiscale, la spéculation et le transfert de capitaux dans les paradis fiscaux. La peur est que ce prédisait Maurice Allais, le seul économiste français ayant reçu le prix Nobel en 1988, entraîne un virage économique qui freine le pompage de l’argent du travail du bas vers le haut et redistribue les profits sur les classes moyennes et paupérisées. Selon Maurice Allais : « La libération des échanges n'est possible, n'est avantageuse, n'est souhaitable que dans le cadre d'ensembles régionaux économiquement et politiquement associés, groupant des pays de développement économique comparable, chaque association régionale se protégeant raisonnablement vis-à-vis des autres. » De toute évidence le montage de l’UE n’a pas répondu à cette condition nécessaire et les résultats se font sentir une dizaine d’années après pour nous mais bien avant pour la Grèce et Chypre, et même l’Espagne et l’Italie. 

L’UE vacille et l’élection française est suivie de près mondialement. L’électeur français n’en est sans doute pas conscient et se lamente surtout des affaires qui entachent un peu plus la crédibilité des politiques, affaires auxquelles les médias et la justice ont donné une importance hors de proportion, laissant une impression de malaise entre le complot et la culpabilité réelle. La vraie bataille entre les européistes et les indépendantistes n’a donné lieu qu’à quelques escarmouches et se dissimule encore derrière la diabolisation du FN sous prétexte de racisme, prétexte commode pour occulter la vraie bataille que regarde le monde économique et financier. L’accusation d’un programme économique dément ou irréalisable vaut pour la plupart des candidats jusqu’à Fillon qui ne cesse de faire des concessions catégorielles et déséquilibre donc son projet initial. Là encore on occulte le débat de fond sur lequel les européistes verraient se lever la contradiction de Marine Le Pen, de Dupont-Aignan, dans une moindre mesure de Mélenchon et d’un Asselineau, qui bien que classé dans les « petits », ne cesse de progresser sur les réseaux sociaux et met les pieds dans le plat avec le Frexit immédiat. On attend toujours l’affrontement avec les européistes, comptables d’un bilan désastreux mais toujours lanceurs d’illusions, Macron en tête.
 
La France est dans l’œil du cyclone. 

On le cache au citoyen français,

Le monde ne s’y trompe pas. 

Aspiration vers le fond

Ou remise en orbite ?


Claude Trouvé 
Coordonnateur MPF du Languedoc-Roussillon


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