mardi 30 août 2016

La guerre des Terres Rares et de l’Or (1ère partie)

Les guerres militaires ne sont que les résultantes des guerres économiques. La plus connue de ces dernières est la guerre du pétrole. Elle fait rage au Moyen-Orient sous la forme de la guerre pour les pipelines et les puits. La cause principale de la guerre au Moyen-Orient est celle du pipeline des pays du golfe qui devait transiter par la Syrie pour rejoindre l’Europe, une traversée que Bachar el-Assad a refusée. Pire la Russie et l’Iran soutiennent le passage d’un autre pipeline pour le pétrole caucasien et iranien. On peut étendre cette guerre au gaz de la même façon mais pas au charbon. En effet le gaz et le pétrole sont très inégalement répartis sur la planète, c’est moins le cas pour le charbon qui est de plus surabondant pour l’instant. Même l’uranium présente une assez bonne répartition dans le monde  même si notre présence militaire au Mali est la principale raison pour (espérer) sécuriser nos mines au Niger. La plupart de nos concitoyens ne voient que cette face énergétique des guerres en cours. Or d’une part l’évolution des technologies et d’autre part les planches à billets qui créent des centaines de milliards de monnaie de Monopoly pour éviter la chute des marchés et la faillite des banques, sont la cause de nouvelles guerres qui participent au changement de la face du monde.

Extraction du minerai en Chine
L’une des grandes industries de consommation est celle des portables, smartphones et ordinateurs de toutes tailles. Elle inonde la moitié de la planète et son développement ne cesse de s’accroître. Le monde s’arme avec frénésie, les budgets Défense ne cessent d’augmenter partout dans le monde et alimentent notre industrie militaire entre autres pays. Les missiles ne cessent de se perfectionner par leur précision, leur efficacité, leur portée. Les énergies vertes sont poussées en avant à coups de subventions. Pour toutes ces raisons et bien d’autres les industriels qui sont à l’origine de tous les produits cités ont un besoin croissant de « terres rares ». Les terres rares ne sont, en réalité, ni des terres, ni rares. Les terres rares sont un groupe moyennement abondant de 15 éléments métalliques connus comme la série des lanthanides (numéros atomiques 57 à 71) ainsi que l'Yttrium (39). Bien que le Scandium (numéro atomique 21) ne soit pas un élément de terre rare, il est généralement inclus avec les lanthanides en raison de ses propriétés similaires. Ils sont plus ou moins abondants sur la planète. Le cérium est aussi abondant que le cuivre et le nickel. Quatre de ces éléments (soient le cérium, le lanthane, le néodyme et l'yttrium) se retrouvent dans la croûte terrestre en quantité plus abondante que le plomb, et sont plusieurs fois plus abondants que l'argent.

En fait leur rareté provient de la rareté des mines exploitables au regard de leur teneur suffisante et de la difficulté de séparation des différents corps dont les propriétés chimiques sont très voisines. Groupe de métaux aux caractéristiques indispensables pour de nombreuses applications civiles et militaires, les terres rares se retrouvent dans les technologies vertes ainsi que dans les technologies au cœur de notre société (téléphones portables, écrans plats, disques durs, anneaux solaires, éoliennes, missiles, etc.). Elles revêtent une dimension géopolitique majeure depuis que la Chine, qui contrôle 95% de la production mondiale, a réduit ses exportations. États-Unis, Europe et économies de l'Asie-Pacifique se tournent désormais vers un des principaux eldorados en la matière : le Groenland. La Chine exploite toute la gamme des terres rares, surtout en Mongolie Intérieure comme par exemple le dépôt de Bayan Obo, dans le district minier de Baiyun. Deng Xiaoping qui a converti la Chine au capitalisme aurait déclaré en 1992 : « Le Moyen Orient a le pétrole et nous avons les terres rares ». 

Même si la Chine ne détient que 36% des ressources mondiales, elle assure plus de 90% de l’approvisionnement mondial. Les États-Unis, qui en détiennent 13%, non seulement n’ont pas soutenu l’effort nécessaire dans ce secteur mais ont laissé partir la technologie de traitement de ces métaux en Chine. Pour la petite histoire Bill Clinton a assuré ainsi des fonds chinois pour sa campagne électorale. Le couple Chine-Russie détient 58% des ressources mondiales ! Devant la progression des besoins, en particulier pour ce qui concerne les aimants présents dans les éoliennes aussi bien que dans nos disques durs et dans les missiles de haute technologie, on comprend que la dépendance du reste du monde devient un problème géopolitique de première importance. La Chine depuis 2011 ne se place plus seulement en vendeur de matières premières mais aussi en produits fabriqués. Elle peut fournir chaque année 10.000 tonnes d’aimants,1.000 tonnes de lanthanides qui servent à stocker de l’hydrogène, 10.000 tonnes de matériaux de polissage, 300 tonnes de matériaux luminescents, 1.000 tonnes de minerais catalyseurs. Baotou est devenue une ville High-Tech qui invite les industries technologiques du monde entier et a créé des centaines de milliers d’emplois. 

Mais ce tableau idyllique d’une Chine heureuse cache l’envers du décor des mines et de l’industrie d’extraction loin de la ville. On y travaille à 9 euros de l’heure et dans des conditions d’insalubrité impensables en France. Par ailleurs la campagne environnante est polluée par tous les rejets de l’usine chargés en métaux de toutes sortes dont aluminium et fer. Les taux de cancer y sont très élevés et la durée de vie des habitants est très menacée. C’est tout le problème de la mondialisation et d’une société de consommation qui demande de plus en plus de produits et tire les prix vers le bas. Mais il y a avec les « terres rares » un enjeu  stratégique majeur que les occidentaux ont délaissé pour l’instant mais qui peut leur sauter à la figure.

Autrefois, en 1990, la Chine exportait simplement ses minerais et elle avait besoin des occidentaux pour les acheter et fabriquer des produits dont eux-mêmes d’ailleurs avaient besoin. Désormais la Chine est en passe de produire tous les produits dont elle a besoin et même de les exporter. Ses besoins propres sont en expansion, il y a donc une double raison pour qu’elle se fasse tirer l’oreille pour prendre le contrôle de ce marché, de réduire les exportations et de faire ainsi monter le prix des terres rares qui ont octuplé en un an. Elle s’est déjà servi de la restriction des exportations vers le Japon, pays majeur dans la haute technologie mais particulièrement dépendant. Le Japon a senti le vent du boulet. La France achète pratiquement tous les produits de haute technologie fabriqués en Extrême-Orient, elle est donc évidemment dépendante même pour ses industries aéronautiques, spatiales et militaires. Elle commet en plus l’erreur de promouvoir les énergies vertes qui accentuent cette dépendance sur une donnée majeure de notre vie tout court, l’énergie électrique. Par ailleurs la Chine s’est lancée dans la fabrication des éoliennes et des panneaux solaires et on voit mal comment la France pourrait la concurrencer avec le triple handicap des salaires, des contraintes environnementales, et la non-possession ni des matières premières ni des industries de transformation. 

Plus que la guerre du pétrole qui conditionne notre politique étrangère

La dépendance aux terres rares nous place en situation de faiblesse 

Or non seulement nous ne prenons aucune disposition contre

Mais nous prenons un malin plaisir à l’accentuer. 

On va le payer cher, très cher ! 

Claude Trouvé 
Coordonnateur MPF du Languedoc-Roussillon