Oui la France offre au
monde un spectacle de pays en plein désordre, oui la réussite de l’Euro 2016
est importante pour la France, oui les français se réjouissent de l’évènement,
oui certains d’entre nous, en particulier dans plusieurs grandes villes,
souffrent de ces grèves et de ces blocages, oui la France est perdante
économiquement, etc. Comment l’ignorer même sans le tapage médiatique fait par
le gouvernement et les médias aux ordres ? C’est un constat et une
question de bon sens. Pour autant, doit-on condamner ces salariés qui risquent
leur argent pour manifester ?
Je n’ai
jamais fait grève, je me suis même trouvé en face de syndicats dans des négociations
où les grévistes bloquaient l’entrée de l’entreprise. Je me souviens seulement avoir
manifesté contre l’entrée des chars russes en Europe de l’Est avec les
mouvements étudiants. Il m’a fallu plusieurs fois affronter la haute Direction
pour le bien commun, et résister à sa pression. J’ai toujours écouté les
revendications et essayé de convaincre plutôt que d’imposer, sans doute parce
que j’ai par ailleurs trente-sept ans de
bénévolat derrière moi. Contrairement à l’entreprise, chacun y est parfaitement
libre de vous suivre ou non, selon la confiance que l’on vous accorde. C’est
pourquoi aujourd’hui, je peux me permettre de dire que j’approuve les mouvements
des salariés qui ont le courage de manifester leur désapprobation sur la loi travail
du Micron ! Ce dernier a l’hypocrisie de laisser sa collègue endosser la responsabilité
devant les manifestants pour se faire oublier dans cette affaire. Bravo donc à
ceux qui ont jeté des projectiles sur son crâne de tête d’œuf, pourri déjà par
l’argent et l’appétit du pouvoir. On ne provoque pas en venant parader lors de
la sortie d’un timbre commémorant la lutte ouvrière quand on l’assassine.
Cette
loi, sous les apparences de quelques avancées sociales, est un tour de vis
donné en faveur des patrons dans la gestion du personnel. Les droits des
patrons sur le temps, la flexibilité et les modalités de travail, sont
largement augmentés en plus de la précarité de celui-ci. Quel est le but ?
Se diriger vers un monde du travail corvéable sur la base des salaires
allemands d’abord, puis grecs, puis chinois, puis… toujours plus bas. C’est ce
que l’on appelle l’augmentation de la productivité à bon compte. Le Medef est
pour, c’est pourquoi c’est Bruxelles qui impulse cette loi avec une « recommandation »
au gouvernement qui va devoir lui faire accepter son budget 2017 et ses
résultats 2016. C’est la vraie raison de la dureté du gouvernement jusqu’au
49.3 pour faire passer l’essentiel de la loi, celui qui touche aux accords d’entreprise.
De l’accord de branche, on passe à l’accord d’entreprise. C’est ce qui s’appelle
diviser pour régner, un vieux principe. Le monde syndical perd ainsi de son
influence, donc de son importance et on pourra remettre en cause son utilité.
Par ailleurs chaque patron pourra négocier en se référant au meilleur accord selon
lui signé par une entreprise de sa branche.
On perçoit
donc l’entreprise de démolition des moyens de défense du salarié auquel se libre
l’UE par l’intermédiaire du gouvernement français. C’est déjà réussi en Italie,
Matéo Renzi a réussi ce que ces prédécesseurs n’avaient pas réussi à pousser
jusqu’au bout. C’est une raison de plus pour le gouvernement de ne pas céder.
Il faut réussir pour Bruxelles quand on va devoir faire profil bas pour les
budgets, le déficit public et les dettes qui sont loin de remplir les critères
de Maastricht. Même si Junker est prêt à chouchouter la France, plusieurs pays
commencent à crier au favoritisme. L’Italie va renforcer leurs rangs. Alors
dans le monde du travail, certains ont pris conscience de ce qui se joue, et
comprennent que le moyen et long terme sont plus importants que les
désagréments du court terme. Ils ont compris que la réussite de l’Euro 2016 est
bien peu de chose par rapport à ce qui se joue pour l’avenir de tous les
salariés mais que c’est une occasion unique de faire plier un gouvernement.
Le
bras de fer n’est contre le gouvernement que pour sa subordination à Bruxelles.
C’est le Système de mondialisation et la cabale des puissances de l’argent qui
est en cause. On peut alors regarder l’argumentaire politico-médiatique d’un
autre œil. Résumons-le. Les grévistes
prennent les gens en otage, pour leur intérêt égoïste qui conduit à la ruine de
la France : tel est le concentré de l’argumentaire des opposants aux
mobilisations sociales, qui s’éveillent au moment où la pénurie de gazole
s’étend sur l’hexagone. N’oublions pas que, contre toute précaution, l’Etat tape
dans les stocks stratégiques. SNCF, Air France perturbent la vie économique
alors que toutes les forces de maintien de l’ordre sont mobilisées pour l’Euro
2016. Oui mais…
« Les
grévistes prennent les gens en otage » La formule,
relativement récente dans l’Histoire contemporaine de la France, est diffusée
par les médias de masse, à longueur de journée de grève, à destination de leurs
lecteurs, auditeurs ou spectateurs qui la reprennent telle quelle. Il s’agit
d’une expression « choc », pour marquer les esprits et
représenter le mécontentement de ceux qui subissent les grèves, usagers de
transports ou automobilistes sans essence. Utilisée de façon répétitive, elle
entraîne davantage d’impatiences, voire de tensions, entre le public bloqué par
les grèves et ceux qui mènent ces dernières.
Six
mois après les attentats de Paris, survenus le 13 novembre dernier, il est
nécessaire de mettre en pièces une formule des plus injurieuses, autant pour
les grévistes que pour les otages réels. Les désagréments subis par les grèves
n’ont strictement rien à voir avec une situation de prise d’otage, où les
victimes sont mises en joue par des tueurs professionnels et n’ont aucune
possibilité de mouvement, au risque de perdre la vie. Ce n’est pas drôle
d’attendre plusieurs heures son transport en commun ou de se promener dans les
ordures, avec le risque de ne pas pouvoir se rendre au travail et d’en être
pénalisé – plus ou moins lourdement – par son employeur. Pour autant, cela ne
justifie en aucun cas le trait d’égalité formulé par les médias dominants entre
les victimes du terrorisme et les personnes contraintes par un mouvement
social. Cette formule doit atterrir dans les poubelles de l’Histoire pour
cesser la confusion dangereuse qui lui est liée.
« Les
grévistes sont minoritaires » C’est
aussi une fausse assertion car la grève se décide non par les seuls syndiqués
mais par l’ensemble du personnel de l’entreprise lors d’un assemblée générale
et leur nombre n’est pas le simple cumul de ceux qui manifestent dans la rue. C’est
l’amalgame que le gouvernement se plait à faire. Si dans la fonction publique
les grévistes prennent une décision individuelle, dans les raffineries de
pétrole, les usines sidérurgiques ou au débarquement des marchandises depuis
les bateaux, ce sont toujours des grèves majoritaires qui sont menées – et
c’est bien pour cela qu’elles ont un impact majeur sur l’économie du pays.
« Les
grévistes sont violents » L’amalgame
entre un travailleur en grève et participant à une manifestation, et le
casseur, est spécifiquement entretenu par les médias dominants pour ajouter de
la confusion à la lecture de l’actualité. Les casseurs s’organisent en marge
des cortèges de manifestants, dont ils se fichent des revendications et des
mots d’ordre. Ceux qui les ont remarqués et étudiés savent qu’il s’agit, chez
leurs meneurs, de jeunes hommes blancs issus d’un milieu relativement aisé, qui
viennent « en découdre » avec les forces de police pour
satisfaire leur envie égoïste de poussée d’adrénaline.
« Les
grévistes sont égoïstes » Cela
voudrait-il dire que vous ne pouvez faire la grève que pour les autres ?
Oui, c’est dans leur intérêt propre que des salariés se mettent en grève, pour
éviter un plan social, une dégradation de leurs conditions de travail ou une
loi scélérate comme la loi travail. Pour autant, il faut mesurer une donnée
essentielle : ce n’est pas pour leur intérêt à court-terme que les
grévistes se battent, mais pour leur intérêt à long-terme. Le premier est
sévèrement mis à mal par la perte de revenu synonyme d’une journée de grève, et
c’est bien pour le second que des mouvements sociaux ont lieu.
« Les grévistes ruinent la France »
Là encore, nous avons un bel exemple de vocable
directement asséné par les médias dominants, pour décrédibiliser voire criminaliser
l’action défensive des salariés. Les syndicats seraient responsables de l’
« immobilisme » de la France, de son « manque de
compétitivité », de son coût du travail « trop élevé ».
Ils seraient la cause de la « ruine » du pays, et ce seraient
même eux qui obligeraient les patrons à délocaliser pour trouver une main
d’œuvre moins chère et moins combattante ! Cette formule permet un
retournement de situation total dans l’éventail des responsabilités économiques
en France. Si la France en est à plus de 10% de chômeurs, à près de 100% du PIB
pour la dette publique, à 10 millions de personnes vivant dans la précarité, c’est
d’abord la faute du Président car c’est lui qui porte la responsabilité de
la gestion de ce pays et des lois de la République. Malheureusement la
comparaison avec la moyenne des pays européens ne lui accorde même pas la
moyenne, il est recalé et tous nos gouvernants avec !
La France
doit dire non à l’appauvrissement de son peuple,
Non
à son asservissement aux plus riches de ce monde.
Réjouissons-nous
que certains se révoltent
Avant
que plus personne ne le puisse !
Coordonnateur MPF du Languedoc-Roussillon
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