jeudi 2 avril 2015

Pas de croissance possible si rigueur veut dire dévaluation interne



Les élections départementales ont été largement nationalisées dans un combat contre le FN. Cela a eu comme conséquence d’occulter trop souvent le poids personnel des candidats tout en ne permettant aucun débat d’idées sur les problèmes nationaux de notre pays. Il s’en est suivi que les principaux partis, dits de gouvernement alternatif, ont perdu le poids que pouvait représenter l’ancienneté et la qualité de leurs candidats face à des candidats du FN souvent beaucoup moins expérimentés. Ce fut pour eux une erreur tactique majeure. Le choix de la nationalisation du débat a été fait pour stigmatiser le FN sans qu’aucun débat ne soit ouvert sur notre perte de puissance économique et sur la sortie de l’euro. Ces sujets sont les échecs des politiques de l’UMPS et leur angoisse du débat les condamne à manipuler la peur faute d’arguments, puisque les faits ne viennent pas conforter leurs choix. Il faut, soit éviter d’en débattre, soit rester au niveau théorique du « l’Union fait la force », ce qui ne nécessite aucune démonstration.

C’est malheureusement cette peur des politiques de devoir avouer leur échec qui paralyse tout débat sur un sujet majeur dans la zone euro et particulièrement en France. La politique d’ « Euro-austérité » qui est infligée à des pays du sud, incapables de l’assumer, nous atteint aussi. La France ne décolle pas malgré des facteurs exogènes particulièrement favorables avec l’euro faible par rapport au dollar, le prix du pétrole au plus bas et des taux d’emprunt qui vont bientôt flirter avec des taux nuls voire négatifs. Pire même en matière de croissance, la France recule par rapport à la moyenne européenne où elle se situait encore l’an dernier. Les extrêmes gauche et droite, souverainistes compris, se rejoignent dans le constat.
La politique d’austérité que nous impose l’UE, pour ne pas dire l’Allemagne, n’est en fait appliquée que dans le sens d’une dévaluation interne. L’Etat et les entreprises bloquent les salaires, les prestations sociales et les retraites. L’Etat espère ainsi faire des économies et les entreprises retrouver de la compétitivité. C’est bien de dévaluation interne dont il s’agit. Ceci amène trois remarques. La première est que depuis 2009, année charnière, cela ne marche pas puisque nous nous endettons sans réindustrialiser notre pays, sans retrouver la croissance et sans équilibrer notre balance du commerce extérieur. 

La seconde est que la dévaluation interne bloque la consommation des ménages et entraîne une baisse de la production de nos entreprises. Elle diminue aussi l’achat de biens importés, donc l’importation, favorisant l’équilibre import-export. Elle augmente aussi la compétitivité à l’exportation par la baisse des salaires. Mais pour cette dernière il faut néanmoins noter qu’une baisse des salaires de 1% ne se répercute pas intégralement sur la compétitivité, pas plus que la baisse du pétrole. C’est ce que nous observons. Notre compétitivité n’augmente pas dans cette proportion et laisse nos exportations sans progrès notable tout en diminuant nos importations. Le tout se traduit par une légère baisse du déficit du commerce extérieur qui n’est pas équivalente à celle produite par une augmentation des exportations supérieure à celle des importations. La première est une baisse d’activité économique, la seconde une hausse.

La troisième remarque est que l’augmentation de compétitivité par la baisse relative des salaires est sans commune mesure avec le handicap que nous avons avec le monde asiatique par exemple, ou avec la baisse de l’euro par rapport au dollar. La dévaluation interne en tant que telle n’apporte une amélioration de notre compétitivité que par rapport à la zone euro. Son impact est néanmoins faible voire négatif si nous commerçons avec des pays de la zone euro qui pratiquent une dévaluation interne supérieure à la nôtre, comme les pays du sud. Or 50% de nos exportations se font en zone euro. L’avantage actuel de notre pays dans la mondialisation ne se trouve que dans la zone dollar, non pas grâce à la dévaluation interne mais à cause de la dévaluation de l’euro. Ceci avantage significativement par exemple Airbus dans son combat avec Boeing mais cela a peu à voir avec le bénéfice de la dévaluation interne sur la compétitivité. On n’est pas dans les mêmes proportions d’impact. Les stratégies dites de « dévaluation interne » se sont révélées à la fois très coûteuses d’un point de vue social en Europe, et largement inefficaces d’un point de vue économique. Elles ont plongé une partie de l’Europe dans la trappe de « l’Euro-Austérité ».

L’avantage décisif ne peut se trouver que dans la dévaluation externe, or l’euro nous empêche toute dévaluation. Elle joue alors sur l’ensemble de nos exportations qui bénéficient d’un avantage immédiat, proportionnel à l’ampleur de la dévaluation. Elle a aussi l’avantage de diminuer le renchérissement de nos importations en réorientant une partie de celles-ci vers une production interne. L’augmentation du coût des importations est progressivement compensée par une diminution du nombre de biens importés. Il y a donc bien la nécessité d’ouvrir enfin un débat sur la sortie de l’euro. Le débat a désormais lieu dans de nombreux pays de la zone Euro, comme en Allemagne, en Espagne, aux Pays-Bas et en Italie… mais pas en France !

La rigueur de gestion des dépenses publiques peut cohabiter avec une dévaluation externe. Elle doit être essentiellement orientée vers le gâchis, les lourdeurs inutiles de la législation et des rouages administratifs au profit de l’investissement public plutôt que sur l’aide directe aux entreprises. Par contre maintenir une fiscalité au niveau des autres pays européens permet d’ajuster les recettes et les dépenses possibles. Mais la rigueur ne peut faire face à un manque de compétitivité important dû à la monnaie. Seule une dévaluation interne peut le faire. Il ne faut pas craindre un réajustement général en cas de disparition de la zone euro, chaque pays finira par trouver sa juste place. Le perdant sera l’Allemagne dans un premier temps mais elle s’est engraissée sur le dos de l’euro depuis sa création, ce qui n’enlève rien à son mérite de gestion rigoureuse. Elle ne peut continuer ainsi car elle finirait par ne plus pouvoir se nourrir sur les pays dépecés, sauf de s’en servir pour conquérir de nouveaux marchés. L’hégémonie allemande a laissé des traces dans l’histoire. 

La France est cigale et l’Allemagne est fourmi

Mais celle-ci a englué la France dans l’euro. 

La cigale alourdie ne peut plus suivre.

L’Allemagne s’engraisse sur nous. 

Nous partageons les  restes ! 

Claude Trouvé 
Coordonnateur MPF du Languedoc-Roussillon

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