lundi 16 juin 2014

La réforme territoriale nécessaire et la régionalisation inutile (1ère partie)



La gestion des fonds publics par le millefeuille administratif français est désastreuse par son coût, ses contraintes et sa lourdeur. Tout ceci conduit à un rapport qualité/prix assez médiocre si ce n’est qu’elle permet de maintenir un nombre superfétatoire de fonctionnaires et assimilés que la complexité du système rend pourtant en grande partie nécessaire. C’est ce que l’on connait dans les entreprises, un système qui s’autoalimente de complexité en permanence car cela permet non seulement de justifier la pertinence des emplois mais encore d’en créer d’autres. C’est ainsi que l’on a recruté 32.000 fonctionnaires supplémentaires en 2012.

Une réforme territoriale qui a pour but de rendre l’administration territoriale plus efficace et moins coûteuse est évidemment nécessaire mais la façon dont elle a commencé laisse douter de sa réussite. Le président Hollande vient d’annoncer une réforme du « millefeuille » institutionnel territorial français, et ses ministres se sont succédé à l’antenne pour affirmer que cette réforme permettrait 10 milliards d’économies annuelles. Les médias, quant à eux, se sont focalisés sur la mesure la plus spectaculaire, le regroupement du nombre de régions de 22 à 14. Ségolène Royal a le plus grand morceau… un hasard ? 

Le gain de 10 milliards est déjà largement contesté et je parierai bien que cela se traduira par un coût supplémentaire. Quant à la nécessité pour augmenter l’efficacité du regroupement, il se traduira en tous cas par un éloignement des communes et de leurs administrés de leurs centres de décision. Ceci ne fait que diminuer ce qui est l’essence de la démocratie, la notion d’appartenance à une entité facilement atteignable donc admise. 

Le « millefeuille », comme on l’appelle, est une réalité. Nos désormais célèbres 36 000 communes sont regroupées dans environ 2600 communautés de communes, sous le parapluie de 100 départements, 26 régions, un État, et Bruxelles. Pour aggraver la situation, les collectivités s’administrent (théoriquement, nous verrons que ce n’est pas toujours le cas) « librement » depuis les lois de décentralisation Defferre, et disposent de ce que l’on appelle une « clause de compétence générale ». Voilà pourquoi tous les niveaux de collectivités s’occupent de culture, de tourisme ou de développement économique, pour citer quelques exemples, avec, évidemment, des redondances fâcheuses, exacerbées par la rivalité entre grands élus locaux. 

A ce florilège d’élus, dont certains bien rémunérés et utilisant un nombre colossal de fonctionnaires, s’ajoute 100 préfectures de département, environ 200 sous-préfectures, 26 préfectures de région, et des services ministériels déconcentrés qui, bien que réorganisés depuis le début des années 2000, n’en restent pas moins encore bien joufflus. Fisc, aménagement du territoire, protection des personnes, police, armée, justice, éducation, environnement, les services de l’État se chargent de vérifier que les collectivités locales appliquent bel et bien la myriade de lois que chaque micro projet implique. 

Pour se rendre compte de la complexité il faut avoir vécu la révision d’un « plan local d’urbanisme », anciennement « plan d’occupation des sols », dans une commune. Chaque administration, européenne, d’État, régionale, départementale, y a son mot à dire, ainsi que nombre de « bureaucraties de spécialité » (chambres de commerce, d’agriculture, architectes des bâtiments de France, INAO, etc.). Les administrations d’État ayant vu leur rôle « d’acteur » de l’action publique réduit à peau de chagrin, les fonctionnaires qui y travaillent, pour justifier leur salaire, se sont recentrés sur le contrôle « régalien », au sens large : le PLU respecte-t-il toutes les couches législatives supérieures ? Les formes des consultations sont-elles respectées ? Est-il conforme au SCOT, aux PPR, aux atlas de paysages, aux PDU, aux PLH, aux Schémas de services collectifs, aux Schémas d’équipement commercial, aux SAGE, etc. ? 

Comme si cela ne suffisait pas, les collectivités sont complétées par des organismes soit mutuels, soit consulaires, soit… indéfinissables, qui se spécialisent dans un domaine bien précis : Syndicats intercommunaux pour l’électrification ou l’adduction, ou encore l’assainissement, chambres d’industrie et d’agriculture, CAUE (Conseils d’architecture, d’urbanisme et d’environnement), sociétés d’économie mixte en aménagement du territoire, agences foncières régionales et/ou départementales chargées de préempter tout terrain de bonne taille qui se présente, Sociétés publiques locales (une nouveauté de 2010) susceptibles de remplacer au moins en partie les missions de conseil autrefois assurées par les services d’État… 

Ajoutez à cela : Agence régionale de santé, Direction interrégionale des routes (pour les grands itinéraires), Agence Nationale de Rénovation Urbaine, Agences de l’eau, Commission des sites, Commission nationale du débat public, etc., etc., etc., jusqu’à la nausée. Si l’on doute encore de la complexité du millefeuille, il suffit d’être confronté à l’explosion normative, moyen que l’administration d’État, blessée dans sa raison d’être (et donc de percevoir des salaires) par les lois de 1982, 1992 et 2004, a trouvé pour reprendre une partie du pouvoir perdu au bénéfice des collectivités. Oui une réforme territoriale est nécessaire mais laquelle ? Nous en parlerons dans un prochain article.

Pourquoi faire « simple » quand on peut faire « compliqué » ?

Parce que c’est compliqué de faire simple !

 Alors la réforme ne s’improvise pas ! 

Claude Trouvé 
Coordonnateur MPF du Languedoc-Roussillon

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