mercredi 18 juin 2014

Irak : la volte-face des USA



Les évènements se précipitent en Irak, l’ONU et l’OCI (Organisme de Coopération Islamique) s’inquiètent, les États-Unis font profil bas, la France est quasi-muette. Tel est le résumé des attitudes des uns et des autres. Alors il faut d’abord faire trois constats. Le premier c’est sur l’EIIL des djihadistes, forte de 5.000 à 10.000 hommes, qui ont mis en déroute l’armée irakienne cent fois plus nombreuse. Une telle situation ne peut s’expliquer que par le soutien sans réserve de la population sunnite, ce que confirment des témoignages. Le deuxième c’est que les kurdes, pourtant à majorité sunnites mais rompus à la guerre et voulant leur indépendance, ont bloqué l’EIIL. La troisième c’est que les États-Unis, si prompts à réagir et à encourager les rebelles syriens, ne font que mine de montrer les dents avec un symbolique porte-avion envoyé sur place sans consigne d’intervenir. 

Le silence de la France, comparativement à nos vociférations sur la Syrie, s’explique par la nécessité d’apprendre des USA la conduite à tenir, or sur ce point il semble bien que l’on se trouve à un tournant géostratégique qui va désarçonner notre diplomatie et mettre la France en difficulté… On n’en est pas à une près me direz-vous. Cela ne fera que quelques mensonges et contorsions de plus… et puis la cote du Président est si basse qu’il ne risque plus rien. 

Expliquons-nous. Barack Obama a envoyé le porte-avion George H.W. Bush (un nom tout désigné) dans le golfe Persique. Mais il a aussi et surtout ouvert la porte à une coopération avec l’Iran pour le règlement de cette extension du conflit syrien. C’est une information importante, elle va bien au-delà des incitations médiatiques à l’intervention militaire directe. Elle révèle la volonté de l’administration américaine d’employer une stratégie de type « lead from behind » (que l’on peut traduire par : « Engageons les autres à agir à notre profit ») au Moyen Orient en s’appuyant sur un allié pour le moins surprenant. Faut-il rappeler que les négociations sur le nucléaire iranien sont toujours en cours  ?

 Les USA ont mené eux-mêmes ou presque des opérations militaires dans de nombreux pays au prix de dépenses somptuaires et de dizaines de milliers de cercueils de soldats américains. Les objectifs étaient ceux de puissance et de guerre économique soit pour capter des richesses minières et énergétiques soit pour empêcher les autres d’en acquérir. Mais désormais le peuple américain commence à honnir la guerre permanente et des voix s’élèvent même chez l’allié le plus sûr, le Royaume-Uni. 

C’est ainsi que Nigel Farage, le leader de l’UKIP, déclare : « la leçon n’est pas, comme M. Blair l’entend, que l’Ouest devrait intervenir en Syrie, encore moins en Irak une fois de plus. La leçon est que l’Ouest devrait déclarer la fin de l’ère des interventions militaires à l’étranger ». La percée de l’EIIL pourrait donc illustrer la décadence d’une politique de puissance s’exprimant par les armes. Ce terrorisme a pu monter en puissance grâce à la fourniture massive d’armes aux rebelles syriens par l’Arabie Saoudite, le Qatar et même par les États-Unis, ces derniers l’ayant admis récemment. La France a aussi coopéré et même reconnu les rebelles comme les représentants de la nouvelle Syrie. Si les armes n’ont pas été fournies directement, elles ont contribué à l’affaiblissement de l’Etat syrien, et donc au développement de l’EIIL. 

Mais l’argent reste le nerf de la guerre. La dette étasunienne, continuant son inexorable ascension, et la reprise économique faiblarde, se situant loin des espérances, n’arrangent pas les éventuelles velléités guerrières. En fait les USA n’ont plus les moyens d’être le gendarme du monde et ils l’ont affirmé à de multiples reprises en implorant leurs partenaires de l’OTAN de respecter un budget de la Défense supérieur ou égal à 2% du PIB. En fait, tout laisse à penser que les États-Unis aient modifié leur stratégie en cours de route. Ajoutons à cela le changement d’attitude de l’Iran sur le plan politique ainsi que le pivot vers l’Asie. Il est plus simple et moins coûteux de maintenir des foyers de tension comme en Ukraine. 

Il reste le problème du pétrole qui a motivé d’ailleurs la guerre de Bush en Irak. L’avancée de l’EIIL pourrait menacer les richesses pétrolières du Kurdistan. Toutefois il apparaît que les kurdes ne s’en laissent pas compter et doivent appuyer leur autonomie sur ces richesses. Le reste des richesses pétrolières irakiennes sont aux mains des chiites au sud. De plus, l’Iran est prêt à défendre l’Irak où les chiites se mobilisent désormais. Enfin d’ici deux ans les USA pensent avoir leur autonomie énergétique grâce au gaz de schiste développé chez eux, en Argentine, en Pologne, etc. Une augmentation du pétrole n’affecterait que peu les pays fournissant le plus de services et le plus de biens à forte valeur ajoutée, c’est-à-dire dont le prix dépend le moins du pétrole. 

Les États-Unis peuvent se concentrer sur le sauvetage de l’économie nationale sans craindre désormais une rupture d’approvisionnement pétrolier, ni une augmentation du prix du pétrole sur leur économie. Les négociations avec l’Iran deviennent d’ailleurs plus productives que celles avec les pays du Golfe et les USA pourraient reconsidérer les alliances de circonstance avec eux et même son engagement dans le conflit syrien. Il s’agirait d’un virage à 180° qui semble de plus en plus probable. On voit combien la diplomatie française serait prise à revers, après avoir été en première ligne pour l’intervention en Syrie, avoir ouvert ses portes aux capitaux des monarchies du golfe avec le cadeau d’impôts allégés ! 

II en est des vassaux comme des courtisans 

On leur dit de péter plus haut que leur derrière. 

Quand ont fait tourner le vent leurs nez sont empestés ! 

Claude Trouvé 
Coordonnateur MPF du Languedoc-Roussillon

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