mercredi 7 mai 2014

Écouter le Président ou parler sérieusement d’économie ?



Hier le Président est descendu dans l’arène pour avouer qu’il avait été élu avec un programme de candidat qui n’était pas mirobolant mais parce qu’on ne voulait plus de son prédécesseur. Il a oublié, ce candidat par raccroc, que sans l’affaire DSK, la route vers la Présidence lui était fermée. Ce Président croit que se mettre au niveau du peuple c’est se faire aimer et que la fonction présidentielle en sort grandie. La réponse d’assistant social aux questions des auditeurs n’a donné aucune certitude à ceux qui les ont posées et n’a donné aucun éclairage sur la route qu’il entend suivre. Il n’a fait jusque-là que brouiller les pistes et n'est plus audible.

La grandeur de la fonction, c’est de définir des caps dont le peuple peut vérifier à postériori qu’ils ont des conséquences bénéfiques. Ces caps doivent tenir compte d’un peuple non pas que l’on entend, comme le dit le Président, mais que l’on écoute. Enfin diriger un pays c’est donner une grande place à l’économie et non pas à la finance, comme l’avait compris De Gaulle. Nous sommes dans une politique à courte vue, pleine d’allers retours, oscillant entre un socialisme pour les plus démunis et un libéralisme mal assumé. 

La politique qui consiste à démanteler tout ce qui avait été fait par son prédécesseur, hormis ses engagements envers l’Union Européenne, n’est pas une politique en soi. C’est ainsi que la promesse de revenir sur les accords signés précédemment avec l’UE n’a pas été tenue. Dans les effacements du passé citons par exemple, la défiscalisation des heures supplémentaires, mesure phare de Sarkozy,  qui a été immédiatement annulée. Le nouveau plan de Hollande, présenté comme une mesure éminemment socialiste, est la défiscalisation pour les plus bas salaires… idée éminemment différente dans l’esprit ! 

Malheureusement cette complication de gestion, censée encourager les entreprises à embaucher, va engager celles-ci dans un clivage malsain entre les très faibles salaires et ceux juste en dehors de la mesure fiscale. La brusque différence de coût risque soit de bloquer ces salariés proches du SMIC sans perspective d’avenir soit décourager l’embauche pour éviter ce clivage. L’impact sur l’emploi est très aléatoire. Nul doute que les heures supplémentaires défiscalisées, payées double, et basées sur le volontariat était une solution plus souple, plus simple et sans clivage de revenu salarial. 

On en revient à ce faux calcul mathématique des 35 heures payées 39 qui commet une double erreur. Il n’y a pas de loi mathématique dans l’embauche et ce passage ne donnait pas 12% de chômeurs en moins mais se soldait par une augmentation de 12% du coût du travail pour l’employeur. L’une des premières causes du chômage est la réglementation du travail. Par exemple, les entreprises renoncent à embaucher une personne qu’elles ne pourront pas licencier plus tard ou à coût trop élevé. La gestion de la pénibilité est encore une réglementation de plus donnant beaucoup de travail supplémentaire aux entreprises et une source de conflits. 

Il en est de même du salaire minimum en France qui est l’un des plus élevés du monde. Le point de vue qui consiste à penser que ce salaire minimum n’agit pas sur le chômage se trompe. Voilà ce qu’en dit l’économiste Gary S. Becker, qui vient de mourir et qui était considéré par ses pairs comme le plus grand économiste du 20ème siècle. « Les travailleurs dont la productivité est inférieure à ce minimum quittent le marché du travail : ils ne peuvent pas trouver d’emploi. Ce sont généralement des jeunes gens, des immigrés, des employés peu qualifiés, ou les femmes revenant sur le marché du travail après une absence. Si vous supprimez le salaire minimum, vous fournissez de nouveaux emplois. Ceci est particulièrement vrai en France où la fraction de la population concernée est plus importante qu’aux États-Unis. » 

En 1996, il ajoutait aussi sur les aides sociales dont on connait les travers : « On constate en Europe, en Suède et en France en particulier, mais aussi aux États-Unis que, s’il n’est pas profitable de travailler, certaines personnes, notamment celles qui font des travaux peu gratifiants, travaillent au noir pour bénéficier des aides. C’est un principe économique de base. » 

La course à l’inversion de la courbe du chômage, dont on pense qu’elle s’inverserait pas diminution de la pression fiscale, est une confusion entre l’emploi et le chômage. Dès 1996 Gary S. Becker disait : « Le niveau de vos impôts m’inquiète : il décourage l’offre de travail. Mais ne confondez pas augmentation de l’emploi et baisse du chômage. Une baisse d’impôt peut pousser les gens à rentrer sur le marché du travail, augmentant de ce fait l’emploi, mais ne réduisant pas d’autant le chômage : les effectifs employés augmentent mais le nombre de personnes souhaitant travailler également. » 

Enfin au moment où nous allons voter pour les élections européennes et où nos Énarques traitent d’idiots, les tenants d’une monnaie commune et non unique, donc la sortie du carcan de l’euro, ce grand économiste exposait déjà en 1996, avant l’euro, son point de vue prémonitoire : « Tout dépend de l’évolution du mark. Mais comme ce dernier est fort, le soutien du franc coûte cher à vos entreprises : les produits français sont renchéris et les exportations freinées. […] De ce point de vue, les changes flexibles sont une bonne politique. Je crois en l’Europe, mais si j’étais vous, je ne poursuivrais pas la construction de l’union monétaire. J’instaurerais une forme de concurrence entre les monnaies en dotant chacune du cours légal dans chaque pays. On pourrait alors les utiliser pour toute transaction, faire sa comptabilité et même payer ses impôts. Ainsi, la demande de monnaie serait plus élastique, empêchant le recours à l’impôt d’inflation. » 

Les ânes c’est qui finalement ? A l’heure où nous devons réduire notre déficit, il serait bon aussi de dire comme lui que la première chose à faire est de réduire d’abord les dépenses de fonctionnement de l’Etat et non les investissements, la dernière c’est d’augmenter les impôts. Ceci étant on ne sait toujours pas comment le gouvernement trouvera les six milliards qui manquent selon la Cour des Comptes… Sans doute la réponse est aussi celle de Michel Sapin qui lève le doute à Bruxelles pour le déficit ramené à 3% du PIB en 2015 par celle belle phrase : Nous tiendrons nos engagements parce que nous en avons la ferme intention ! Donc pas de souci pour les six milliards, ils sont dans la ferme intention ! 

Nous sommes gouvernés depuis trente ans

Par des ânes bâtés en matière économique,

Par des moutons en politique étrangère, 

Et le moutonnier ne voit pas l’abîme ! 

Autiste et aveugle c’est beaucoup ! 

Claude Trouvé 
Coordonnateur MPF du Languedoc-Roussillon

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