dimanche 9 février 2014

La Tunisie, un modèle à suivre ?

Le chef de l’État revient d’une visite en Tunisie après avoir félicité ce pays pour l’adoption d’une nouvelle Constitution et félicité ses dirigeants en qualifiant la Tunisie de modèle pour beaucoup d’autres peuples. L’information de la réussite de ce printemps arabe est donc passée en avalisant la réussite d’une révolution que la France a soutenue. En dehors du fait que le Président est allé récolter des lauriers à l’extérieur, qu’en est-il réellement après une insurrection qui a fait 317 tués et 2147 blessés ?

Si une certaine liberté d’expression, désormais possible malgré une progression des restrictions par l’influence grandissante de l’Islam, a été obtenue après 29 jours de révolution, celle-ci avait comme origine principale une raison sociale. Avec un taux de chômage structurel élevé (15% en moyenne), dont un sous-emploi qui concernait deux actifs occupés sur trois et une dégradation assez nette du pouvoir d’achat des classes laborieuses, notamment les salariés, qui représentaient 72% des actifs occupés, la crise sociale a jeté les gens dans la rue pour se faire entendre dans ce régime dictatorial à élections libres. 

Pauvreté extrême (1/4 de la population), recul social généralisé, dégradation des conditions de vie, ont fait sortir le peuple de la peur du Régime. Le facteur décisif a été l’extension du chômage sur les jeunes, particulièrement par l’apparition et l’extension rapide du chômage des diplômés de l’université. De 5 900 en 1994 leur nombre a atteint 139 000 en 2010. Ce dernier fait est d’ailleurs à mettre au crédit de Ben Ali, car la Tunisie était le peuple du Maghreb le plus en pointe sur l’Education Publique ainsi que sur la parité homme-femme. 

De plus ce pays a été chaudement félicité déjà par Sarkozy et par Strauss-Khan comme le pays dont la politique économique était l’une des plus efficaces de l’Afrique. Or cette réussite économique incontestable a aussi nourri une crise sociale, durant près d’un quart de siècle, par une politique permanente d’austérité budgétaire, combinée avec une libéralisation économique agressive, au profit des entreprises transnationales européennes et de la finance internationale. On voit là encore une réussite du FMI qui a encouragé ce pays dans cette voie et a de plus généré une répression politique plus dure et une corruption jusque dans les familles du pouvoir. 

Mais trois ans après, la situation générale s’est nettement dégradée ! 

Le chômage fait rage de plus belle. Le nombre des diplômés privés d’emploi a presque doublé en passant de 139 000 à 250 000. Le pouvoir d’achat est en chute libre pour la grande majorité des tunisiens. La déception et la colère se font de nouveau jour. 

Dans le même temps, l’activité économique continue de s’enliser dans la crise, aggravant ainsi le problème social. Parallèlement, la situation politique, qui a connu une certaine stabilité à la suite des élections du 23 octobre 2011, s’est de nouveau nettement dégradée à la suite de l’assassinat de Belaid le 6 février 2012, de Brahmi le 25 juillet 2013 et le meurtre de plusieurs soldats et d’agents de la garde nationale dans des embuscades terroristes. Plusieurs gouvernements se sont succédé au pouvoir, les deux derniers ont été dominés par les islamistes. Tous ont poursuivi la même politique économique et sociale capitaliste néolibérale de Ben Ali. 

Les mobilisations populaires ont repris de plus belle, surtout durant le mois d’août 2013 pour réclamer la démission du gouvernement et la dissolution de l’Assemblée Constituante, dominés par les islamistes. En dépit de l’influence des islamistes, un nouveau gouvernement ‘non politique’ a pu voir le jour pour terminer la Constitution et fixer la date des prochaines élections.

Mais tout ceci se fait plus ou moins sous la pression du FMI et de la Banque Mondiale. Car au début du mois de novembre, le projet de la loi de finances et du budget 2014 ont été rendus publics. Il s’agit d’une application rigoureuse de l’accord de réajustement structurel conclu avec le FMI et la Banque mondiale et dont la mise en œuvre a beaucoup tardé, du point de vue de ces institutions financières. Le groupe parlementaire GUE/NGL qualifie ce projet de budget et la loi qui l’encadre, de ‘déclaration de guerre contre la société tunisienne’. Il alerte l’opinion publique sur les dangers d’une politique d’austérité et de rigueur budgétaire couplée au renforcement de la politique capitaliste néolibérale au profit des intérêts néocolonialistes en Tunisie. 

C’est sur le berceau de la nouvelle Constitution que notre Président s’est penché telle la bonne fée dont la baguette magique a décerné le nom de « modèle à suivre » ! 

Quand un Président trouve qu’un tel pays est un modèle à suivre 

On peut craindre le pire dans notre pays qui s’islamise ! 

Claude Trouvé
Coordonnateur MPF du Languedoc-Roussillon


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