jeudi 9 janvier 2014

Liberté, liberté chérie



La liberté reste le plus beau fleuron de notre République laïque, républicaine et démocratique. Elle est pourtant toujours menacée par le pouvoir et nous venons d’en vivre un épisode avec l’affaire Dieudonné. Elle fait suite à l’accusation de blasphème de la part de Charlie Hebdo, et aux propos jugés racistes d’un journaliste sur l’origine des détenus en prison, propos d’ailleurs condamnés même s’ils n’étaient que la traduction d’une réalité mesurable. 

J’ai dit que dans l’affaire Dieudonné, l’important n’est pas qu’un homme s’exprime en public avec des propos qui sont considérés comme ignobles par une grande partie de l’opinion, mais que des dizaines de milliers de personnes les écoutent et les applaudissent. S’ils sont diffamatoires et incitateurs à la haine, ils sont punissables par la justice en référence à la loi Gayssot. L’incitation à la haine n’étant pas explicite dans ce spectacle, puisqu’il n’y a pas de demande d’exaction contre les juifs, il faut se retourner sur la diffamation et l’injure : comme étant « Toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé » et l’injure comme étant « toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait ». 

Dans ce dernier cas néanmoins, ceci étant prononcé dans un spectacle dit comique, faisant d’ailleurs rire des salles entières, on ne peut lui accorder d’être autre chose qu’un pied de nez clownesque, ignoble si l’on veut, même si on peut supposer que cela allait plus loin dans l’esprit de l’artiste. Certains veulent considérer que cet artiste n’est qu’un politicard de bas étage. On change alors de registre d’attaque de ces réunions publiques mais l’homme se défend d’être le représentant d’un quelconque mouvement politique. 

C’est pourtant sur ce point que cet individu avance masqué. Ses textes sont inspirés par Tariq Ramadan et c’est donc un mouvement politique musulman car l’Islam se considère de droit dans le temporel. C’est l’Islam que certains appellent « modéré » qui mène son combat contre les autres religions du Livre par la stigmatisation, le ridicule aux yeux de musulmans et de « souchiens » benêts, incapables de discerner qu’ils en seront à terme les victimes. 

Si ces propos sont ignobles, ce n’est pas leur auteur qu’il faut condamner mais ceux qui les écoutent et en rient. On condamne bien les clients des prostituées qui pourtant ne font qu’un métier reconnu et fiscalement imposé. Le Tribunal administratif de Nantes vient d’autoriser le spectacle de Dieudonné et il ne pouvait en être autrement si la justice française se veut encore indépendante de l’exécutif. En pratiquant la censure, Vals a commis une faute en attaquant la liberté d’expression et en faisant une publicité inutile à un tel spectacle qui malheureusement traduit l’évolution de notre civilisation. En effet  cette civilisation occidentale perd ses repères et en digèrent d’autres revenus d’ailleurs après bien des combats meurtriers. 

Vals a fait fi de l'article 19 de la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 (résolution sans valeur contraignante) comme suit : 
« Tout individu a droit à la liberté d'opinion et d'expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d'expression que ce soit. » 

Il a aussi fait fi de l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme de 1950 (qui s'adresse à tous les États membres du Conseil de l'Europe, beaucoup plus large que l'Union européenne) : 
« Toute personne a droit à la liberté d'expression. Ce droit comprend la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités publiques et sans considération de frontière. Le présent article n'empêche pas les États de soumettre les entreprises de radiodiffusion, de cinéma ou de télévision à un régime d'autorisations. » 

Il me faut finir cet article par une pensée de Kant qui nous amène à réfléchir sur la nécessité de la liberté d’expression pour garantir la liberté de penser :  

« Certes, on dit : la liberté de parler, ou d'écrire peut nous être retirée par un pouvoir supérieur mais absolument pas celle de penser. Toutefois, quelles seraient l'ampleur et la justesse de notre pensée, si nous ne pensions pas en quelque sorte en communauté avec d'autres à qui nous communiquerions nos pensées et qui nous communiqueraient les leurs ! On peut donc dire que ce pouvoir extérieur qui dérobe aux hommes la liberté de communiquer en public leurs pensées, leur retire aussi la liberté de penser » 

Claude Trouvé 
Coordonnateur MPF du Languedoc-Roussillon

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire