jeudi 28 novembre 2013

L’Ukraine, champ clos d’un combat de blocs



L’Ukraine est sollicitée pour un partenariat avec l’UE et son gouvernement a de bonnes raisons de l’envisager. Ce pays est géographiquement dans l’Europe, beaucoup plus que la Turquie. Historiquement liée à la Russie, pour avoir fait partie de l’URSS, elle a des liens privilégiés avec celle-ci en particulier pour l’approvisionnement gazier. L’Ukraine n’entend pas cependant entrer dans un accord d’association avec l’UE avec des conditions draconiennes du FMI pour l’obtention de prêts alors qu’aux pires moments l’UE n’a pas proposé son aide.

Le gouvernement ukrainien a annoncé soudainement la semaine dernière suspendre ces négociations, dont une condition clé était la libération de Ioulia Timochenko, principale adversaire politique du président Ianoukovitch. Par ailleurs la Russie a fait savoir qu’en cas de report de la signature de l’accord déjà parafé par l’Ukraine, elle était prête à ouvrir de nouvelles négociations avec ce pays.  L’Ukraine a donc ajourné la signature d’un accord avant le sommet de Vilnius la semaine prochaine. Le premier Ministre ukrainien, néanmoins présent à Vilnius, va essayer de faire accepter une négociation à trois qui lui permettrait de tirer le maximum de bénéfices de la situation : "Nous voulons discuter des problèmes à trois" avec la Russie et l'UE, a-t-il dit. "La Russie a accepté cette proposition, la balle est dans le camp de l'UE".

Il est évident que l’UE espère pêcher l’Ukraine dans ses filets pour des raisons commerciales affichées mais à cela s’ajoute une guerre géopolitique qui permet de mettre l’UE et l’accord de libre-échange transatlantique aux portes de la Russie, bloc qu’il s’agit d’affaiblir économiquement avant d’y mettre une emprise financière mortelle. Le Premier ministre ukrainien a d’ailleurs explicitement déclaré que : "L'Ukraine n'est pas un champ de bataille entre la Russie et l'UE", "il faut prendre en compte nos intérêts". De son côté la Russie ne veut pas que l’UE lui fasse porter le chapeau de l’échec des négociations. Elle déclare : "De toute évidence, les déclarations (de l'UE) visent à mettre sur le dos de la Russie la responsabilité des problèmes de l'Ukraine à la suite des pressions politiques exercées par l'UE sur l'Ukraine et sur d'autres pays dans le cadre du partenariat oriental". 

Les relations entre la Russie et l’Ukraine n’ont pas toujours été bonnes et elles ont atteint leur point culminant lors de l’augmentation du prix du gaz russe livré à ce pays et la menace de couper l’alimentation. La pression de l’UE sur l’Ukraine est au fond la bienvenue pour pouvoir rétablir des relations plus normales avec la Russie qui souhaite une zone de libre-échange orientale. Que ce soit sur le dossier syrien ou l’ukrainien nous sommes sur le domaine géopolitique souterrain plus qu’économique ou humanitaire affiché. 

Les tentatives d’arracher certains pays à la sphère d’influence russe avec des accords de partenariat de diverses formes ne sont pas toutes vouées à l’échec. Depuis 2009, l’UE tente de resserrer des liens avec 6 pays sur la frontière est-orientale : Ukraine, Biélorussie, Moldavie, Géorgie, Arménie et Azerbaïdjan sans parler de la Turquie qui a obtenu le statut privilégié de candidat officiel à l’adhésion à l’UE. Si l’Arménie a décidé de rejoindre le partenariat proposé par Moscou, pour la Moldavie et la Géorgie, on est proche de la signature et pour les autres les négociations ne sont que gelées… l’espoir reste. 

Le sommet de Vilnius est une réunion qui se tiendra au niveau des chefs d’Etat ou de gouvernement sous la houlette du président permanent du Conseil européen, à ses côtés le président de la Commission européenne, la cheffe de la diplomatie européenne Catherine Ashton, le président du parlement européen et en principe, les chefs des 28 Etats de l’UE. L’UE va y jouer serré avec la Russie car il ne faut pas heurter de plein fouet un pays dont on a besoin pour l’approvisionnement gazier. La politique d’encerclement de la Russie sur le plan économique n’en est pas moins une tactique d’affaiblissement d’un pays aux énormes ressources pétrolières, gazières et minières qui reprend une grande place dans les économies mondiales. 

Même dans le cadre de l’UE, la lutte géopolitique des USA contre le reste du monde, avec l’emprise militaire de l’OTAN et la future zone de libre-échange transatlantique, sera présente à ce sommet. C’est un nouvel épisode de la mondialisation, instrument de la gouvernance mondiale que les puissances financières et économiques appellent de leurs vœux. Nous vivons une curieuse période où l’UE étend ses tentacules et, dans le même temps l’Ecosse présente le mode d’emploi d’une possible indépendance. Nous vivons une dangereuse période où des bruits de guerre se font entendre en Asie et où deux bombardiers américains B-52 ont pénétré dans la zone controversée de défense aérienne mise en place par la Chine, sans en référer à Pékin, selon des responsables américains mardi.
 

Les petites saynètes de diversion jetées en pâture au peuple, 

Comme la grande réforme fiscale qui accouchera d’une souris, 

Nous masquent les grands enjeux d'un nouveau monde 

Qui se joue devant nos yeux embués !
 

Claude Trouvé 
Coordonnateur MPF du Languedoc-Roussillon

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