dimanche 15 septembre 2013

Droit d’ingérence ou droit de tuer ?

Lorsque sa sécurité n’est pas menacée, quelles raisons peuvent donner le droit à une nation de venir tuer sur le territoire d’une autre ? L’impérialisme, la mise sous tutelle pour son propre compte, la captation de richesses et de femmes (les razzias) sont les raisons qui ont marqué l’histoire du monde. Les religions ont servi de prétexte et de justification à la mobilisation des hommes pour la guerre.

Nous venons d’en inventer deux autres, les Droits de l’homme et la démocratie, raisons que nous avons confiées à l’ONU, et qui avalisent et justifient le droit d’ingérence. Pour les précédentes autorisations de faire la guerre, les USA ont toujours été concernés et promoteur de l’idée auprès des autres nations de l’Assemblée Générale des États-Unis. D’ailleurs, d’une façon générale depuis 1991, les États-Unis sont présents dans toutes les guerres entre pays et guerroient deux années sur trois. Que ce soit la Libye, l’Irak, la Serbie, Haïti, la Somalie, le Panama, la Grenade et le Vietnam, aucun de ces pays n’ont attaqué ceux qui sont venus tuer chez eux. L’exception serait l’Afghanistan avec Ben Laden et encore, car il y aurait beaucoup de choses à dire sur ce sujet. 

Les USA, forts de leur puissance militaire, se sont octroyé l’insigne du shérif et de gendarme du monde. Ils ont pris le droit d’ingérence comme une cause humanitaire de sauvegarde du monde en allant bien au-delà de la nécessité de leur propre sécurité. Leur poids militaro-économique permet de faire basculer les votes de l’Assemblée générale en faveur de leurs intentions. Le véritable contrepoids est le Conseil de Sécurité où s’affronte le bloc USA-Royaume-Uni-France au bloc Russie-Chine. Mis à part l’Irak, cela se passe toujours ainsi. 

Nous sommes loin des raisons qui faisaient s’affronter les tribus aux débuts de l’humanité. La défense de territoires de chasse ou de cueillette était vitale, autant que celle des femmes, à la survie de la tribu. Nous plongeons désormais dans un autre univers celui que s’octroient certaines nations disposant de la force militaire d’imposer aux autres les comportements souverains recevables et de punir les autres avec les conséquences souvent désastreuses qui s’ensuivent.
Au XIXe siècle, on parlait alors d'« intervention d'humanité ». Les Européens appelaient ainsi leurs actions pour aller, officiellement, sauver les chrétiens vivant en Turquie, mais officieusement, pour déstabiliser le sultan Abdülhamid II. Au nom de cette « intervention d'humanité », les pires atrocités furent commises. En 2008 Edward Luck, conseiller spécial du secrétaire général des Nations Unies, déclarait : Bernard Kouchner a causé «des dégâts considérables au sein de l’ONU» au nom des raisons humanitaires. 

Tant que les résolutions de l’ONU sont demandées et respectées on peut encore parler d’un consensus majoritaire mondial, encore que 51% de voix pour peut-il justifier la guerre d’ingérence ? Mais désormais on tente de passer outre ! En Libye on a contourné le refus de l’ONU de s’engager par des troupes au sol avec des conseillers à Benghazi chez les rebelles et des armes approvisionnées. En Syrie, on a tenté d’aller plus loin. Hollande était prêt à engager la France dans une action punitive et a servi de mouche du coche aux USA. 

Il fallait que la France montre son influence à l’extérieur car le président perd pied à l’intérieur. Non seulement nous nous retrouvons seuls derrière les Etats-Unis mais nos efforts pour mobiliser l’UE se sont non seulement avérés vains mais de nombreux pays trouvent que la France joue un peu trop la présence guerrière. Pendant ce temps nous consacrons de moins en moins d’argent à notre Défense et nous nous en remettons de plus en plus à l’OTAN pour la défense de notre territoire. 

Nous nous sommes donc octroyé le droit d’ingérence dans un pays autrefois ami, la Syrie, sans aval de l’ONU, sans attendre le rapport des experts et sans véritable preuve reconnue internationalement de la culpabilité de Bachar el Assad. Notre précipitation à proposer une résolution au vote de l’ONU reste dans le droit fil d’un pays qui veut péter plus haut qu’il n’a le derrière. Elle ne peut masquer le fait que c’est la proposition russe qui a éloigné la guerre, et non nos menaces d’intervention, et que tout va se négocier entre russes et américains. 

Le droit d’ingérence permet de tuer au nom de la démocratie même si l’établissement de celle-ci ne peut se faire ainsi dans des pays qui ne peuvent encore l’accueillir. Pendant ce temps nous perdons la nôtre. Le droit d’ingérence devient possible par des décisions unilatérales et ouvrent ainsi la porte à des visées impérialistes. Au passage on impose le respect de traités en violant nous-même ceux que nous avons signés. 

De quel droit peut-on imposer la démocratie aux autres ? De quel droit peut-on soutenir dans un conflit civil, au nom de la démocratie, ceux qui ne veulent pas respecter le vote démocratique comme en Égypte ? De quel droit peut-on punir militairement dans une guerre civile par un cartel de pays accoquinés. Nous devrions nous souvenir que les conflits internes dans notre pays ont toujours été envenimés par l’intervention de puissances étrangères. Ce serait un retour d’expérience salutaire nous permettant de mettre notre pays au service de la paix et de la médiation auprès des pouvoirs en place. La France y gagnerait beaucoup en reconnaissance mondiale. 

Une guerre civile est un conflit interne pourri par l’extérieur. 

Le droit d’ingérence devient un permis de chasse ! 

Œuvrons pour la Paix, pas pour la Guerre ! 

Claude Trouvé
Coordonnateur MPF du Languedoc-Roussillon


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