lundi 19 août 2013

Prévision à 12 ans ou communication de rentrée ?


Le gouvernement fait sa rentrée avec des ministres bronzés et euphoriques dans un exercice prévisionnel inédit et à fort relent de communication. Si « Gouverner c’est prévoir », on ne peut que féliciter le pouvoir de se pencher sur l’avenir de notre pays. Malheureusement on ne peut qu’être très dubitatif sur la réalisation à 12 ans des pensées euphoriques des ministres qui ont eu à rédiger un devoir de vacances sans qu’ils puissent s’appuyer sur un véritable travail préparatoire qui aurait dû être commencé depuis le début du quinquennat. 

Pour s’en convaincre il n’est que de se demander ce qu’aurait pu prévoir le pouvoir en 2001, année charnière entre le lancement de l’euro et son arrivée dans notre porte-monnaie. On commençait une période doucement euphorique qui a duré deux ans. Dès 2004 l’euphorie économique de l’euro se ternissait et nos exportations aussi. Puis ce fut 2007-2009 avec la crise et les remèdes de cheval pour sauver les meubles. Que resterait-t-il aujourd’hui de prévisions euphoriques qui auraient été faites en 2001 ? Rien. Le pays s’est endetté, les prestations sociales sont en déficit, la croissance est en berne et les impôts en hausse. 

Les statisticiens savent ce que valent les prévisions en avenir aléatoire. En effet nous ne sommes pas dans une économie fermée ou le commissaire au plan lançait des plans quinquennaux dont il pouvait prétendre maîtriser tous les paramètres sauf peut-être climatiques. Ces dernières ont causé bien des déboires à l’URSS. Dans une économie mondialisée nous ne maîtrisons pratiquement aucun des paramètres économiques extérieurs comme la crise de 2008 nous l’a récemment rappelé. Il faut donc faire des prévisions dans une fourchette large d’hypothèses minimales et maximales sur l’impact socio-économique extérieur. 

La trajectoire à définir pour le pays dans les différents secteurs socio-économiques ne peut qu’être définie par celle à moindre risque et non par la plus favorable. Définir par exemple ce que seront les infrastructures du pays dans 12 ans, c’est tenir compte des investissements possibles durant cette période autant que de définir les priorités entre le rail, la route, la voie aérienne ou les moyens électroniques de communication. Le moindre risque ce sera de définir une stratégie qui puisse se réaliser même dans les conditions prises comme les plus défavorables. 

Dans les grandes industries, aéronautiques, automobiles et nucléaires par exemple, la prévision à 5 et 10 ans est couramment pratiquée car elle est vitale ne serait-ce que par les délais de mise en œuvre des fabrications mais les résultats ne sont pourtant jamais en concordance avec les prévisions. Il faut prévoir bien à l’avance le combustible de demain pour les fusées, l’énergie motrice pour les automobiles et les réacteurs de demain pour le nucléaire. Sinon la concurrence ne vous trouvera pas au rendez-vous du progrès. 

Prévoir ce que sera la défense de la France dans 12 ans est en effet un sujet majeur mais nous venons de voir qu’il est devenu une variable d’ajustement du budget. Par ailleurs le fait d’être ou non dans l’OTAN change complètement la donne et a brusquement créé une rupture dans la planification militaire. D’une façon générale, les prévisions qui ont des chances de se réaliser sont celles touchant à des domaines ayant peu d’impact sur les dépenses publiques et surtout celles pouvant procurer des économies ou améliorer l’efficacité des administrations publiques et de la législation française. Si tel était le cas, on ne pourrait que louer le gouvernement. 

Il reste pourtant un domaine stratégique où l’Etat a et doit encore jouer un grand rôle, c’est celui de l’énergie. Quoiqu’en pense les écologistes, le choix du nucléaire a été une des très bonnes décisions du couple De Gaulle-Pompidou. Non seulement nous avons eu un avantage substantiel sur le prix de l’électricité, mais nous avons développé une industrie nucléaire parmi les plus puissantes du monde. Le choix des énergies renouvelables subventionnées et demandant un nouveau maillage des distributions électriques, la course à la sécurité renforcée sur le nucléaire (la France s’est pourtant avérée comme le pays le plus sûr du monde) au nom du principe paralysant de précaution, vont nous conduire à un prix qui va se rapprocher de celui des pays voisins. Le bénéfice économique va s’en trouver annulé ne nous laissant qu’une bonne indépendance énergétique. 

Dans ce cadre énergétique les orientations sur les gaz de schiste sont stratégiquement importantes comme on peut le voir pour les Etats-Unis. Ces derniers sont en train de se replacer dans le rang de superpuissance pour longtemps alors que leur dépendance énergétique et leur économie fléchissante sonnaient l’annonce de leur déclin. On sait qu’au mieux le pouvoir laissera une recherche géologique molle sur notre territoire. 

Il n’y a donc pas grand-chose à attendre de cet exercice prévisionnel, si ce n’est un enfumage euphorisant de rentrée dans un exercice de communication sur des sujets bien loin des préoccupations immédiates des français. Le chômage ne diminue pas et chacun va constater à la rentrée que tout coûte plus cher malgré les statistiques de l’INSEE. Les prévisions n’engagent que ceux qui les écoutent. Comme le bronzage, elles-aussi sont éphémères ! 

La prévision dans la boule de cristal 

Ne vaut pas plus que l’illusion d’optique. 

Elle trompe son monde ! 



Claude Trouvé 
Coordonnateur MPF Languedoc-Roussillon  


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