jeudi 2 mai 2013

Le bon sens devra-t-il venir d’ailleurs ?

Le 17 avril dernier, Lakshmi Mittal était auditionné par la commission d'enquête sur la sidérurgie à l'Assemblée nationale. Le PDG d'ArcelorMittal avait notamment plaidé pour plus de protectionnisme en Europe. "Il faut que l’Europe renforce ses barrières douanières comme les USA l’ont fait sinon vous serez envahis par des produits moins chers", déclarait-il. Le débat est relancé.

Marine Le Pen reprend à son compte ce que Philippe De Villiers a demandé depuis longtemps, un protectionnisme intelligent donc ciblé. L’intervention d’un grand PDG étranger mérite que l’on prenne le temps d’y réfléchir même si cela viole le dogme du libre-échange. Il suffit pourtant de regarder la marche du monde économique pour faire des constats indubitables. En Europe certains pays s’enfoncent dont la France et d’autres survivent, mais globalement l’Europe souffre par rapport au reste des pays de l’OCDE.

La critique ridicule de l’égoïsme allemand n’est que l’illustration de la différence de politique entre ces deux pays qui aboutit, selon l’agence Reuters, à un supplément de charges fiscales de 8% du PIB sur les entreprises françaises par rapport à leurs voisines allemandes. Ce chiffre ne parle peut-être pas assez pour faire sentir ce que cela représente. C’est mieux en disant qu’il s’agit de 160 Mds€ de différence entre les deux pays… Une paille ! Un changement de politique est donc à notre portée, encore faut-il le vouloir, pour rééquilibrer la concurrence entre les deux pays.

En Europe, nous nous heurtons à une autre différence, celle des monnaies puisque l’euro n’existe que dans 17 pays sur les 27, bientôt 28, de l’UE. Il se repose donc fatalement le choix des parités entre monnaies pour une concurrence saine et même au sein de la zone euro. Ce débat est volontairement écarté mais il est d’une telle évidence qu’il ne pourra pas être occulté encore longtemps.

C’est une toute autre affaire avec la Chine et les pays du Sud-Est asiatique, Corée, Malaisie, Taiwan, Philippines, etc. La Chine exerce depuis 20 ans une concurrence destructrice sur l’UE, même si l’Allemagne a encore préservé des domaines d’excellence pour ses exportations. Des pans entiers de nos industries ont disparus, textile, chaussures, téléphonie, petit électroménager, petit ameublement, électronique grand public, etc. En 10 ans le PIB chinois est passé de 4% en 2001, à 20% du PIB mondial en 2011 !

Sa recette est connue, c’est le paysan et l’ouvrier laborieux chinois qui coûtent à l’employeur 10 à 20 fois moins que les mêmes chez nous. En gros ce qui revient à 100 en France, revient entre 5 et 10 en Chine ! Le déficit commercial de l’UE avec la Chine c’est 1,3% du PIB européen soit 156Mds€. Mais c’est aussi la raison des délocalisations de nos industries qui entraînent une augmentation substantielle du chômage en Europe, lequel dépasse les 12%.

La Chine maintient un yuan faible par ailleurs. C’est donc sur un double front que l’on doit affronter ces pays asiatiques, la monnaie et le protectionnisme ciblé. En effet la hausse inévitable des salaires dans ces pays au fur et à mesure de l’augmentation de leur PIB, est suffisamment lente pour leur assurer une prédominance concurrentielle pour une vingtaine d’années si l’UE globalement ou chaque pays séparément ne prend pas les mesures indispensables.

La destruction de nos industries n’est pas finie. Avec son caractère de production de masse et en série, l’industrie automobile sera la prochaine victime. Ces usines se construisent là-bas à une grande cadence. L’industrie aéronautique suivra et même le fleuron du génie français, le nucléaire. Pendant que nous boudons ce type de production d’énergie, 29 réacteurs à eau pressurisée sont en cours de construction. Pire un prototype de technologie avancée sur lits de galets et refroidissement graphite-gaz est en projet. La Chine ne cache pas son ambition de devenir le premier constructeur mondial de réacteurs.


Voilà ce qu’on lit dans la presse d'aujourd’hui : « L'activité française a reculé au quatrième trimestre 2012 (-0,3% t/t). Face à un environnement incertain, les chefs d'entreprise ont reporté leurs décisions d'investissement (-0,7% t/t) et largement déstocké (contribution de -0,4 point à l'activité). Cette contraction du PIB en fin d'année laisse un acquis de croissance négatif de 0,2%. C'est un handicap pour l'année 2013, auquel vient s'ajouter le repli attendu de l'activité au premier trimestre (-0,1% t/t prévu). L'incertitude générée par le résultat des élections italiennes devrait conforter l'attentisme des chefs d'entreprise. La consommation des ménages montre des signes d'essoufflement. Les achats d'automobiles subissent notamment le contrecoup de leur bond de décembre, lié à l'anticipation du durcissement du malus écologique au 1er janvier. » Alors on fait quoi ?

Benoît Hamon s’occupe de donner un moyen de défense aux consommateurs, c’est bien, mais la première défense de ceux-ci n’est-il pas avant tout leur pouvoir d’achat ? La priorité n'est-elle pas de mobiliser toutes les énergies en priorité contre la pauvreté et le chômage ? La recherche d’alliance de François Hollande avec l’Italie et l’Espagne procède-t-elle d’une véritable prise de conscience des conditions du redressement de la France ? Si cela procède d’une simple rébellion contre une Allemagne qui a su trouver un cap qui lui est profitable, la France n’est pas sortie de l’auberge et nous perdrons encore cette guerre !


Monnaie, protectionnisme ciblé, rigueur budgétaire


N’est que l’évident cocktail du bon sens.


Moi, Président, Moi Président,


En ai-je encore ?


Claude Trouvé

Coordonnateur MPF du Languedoc-Roussillon