jeudi 17 janvier 2013

Un an de guerre au Mali

Aujourd’hui 17 janvier le Mali est en guerre depuis un an. En ce même jour de 2012, le MNLA (Mouvement National pour la Libération de l’Azawad déclenchait l'attaque de camps militaires maliens dans le nord du pays. Le MNLA est composé de rebelles touaregs du Mouvement national pour la libération de l'Azawad (MNLA) et du mouvement salafiste Ansar Dine, alliés à d'autres mouvements islamistes comme l’ACMI et MUJAO. L’Azawad, dite « terre de transhumance », désigne un territoire presque entièrement désertique situé dans le Nord du Mali recouvrant des zones saharienne et sahélienne. Réclamé par des groupes indépendantistes touaregs, ceux-ci y ont proclamé l'indépendance. Il est appelé aussi « Nord du Mali », « Mali du Nord » ou encore par anglicisme « Nord-Mali » en français par les pays qui ne reconnaissent pas cet État. Il est divisé en trois régions Kidal, Tombouctou et Gao.
La rébellion touarègue a une longue histoire qui date de près d’un siècle avec la révolte de Kaocen au Niger. Ce peuple guerrier est d’origine berbère, métissée d’Arabes et de Noirs. Il est présent de la Libye au Niger en passant par l’Algérie et le Mali, mais vit principalement au Mali.  Il a de tous temps contrôlé les caravanes allant de la Libye jusqu’à la boucle du Niger. L’Azawad est l’objet d’une aspiration à l’autonomie depuis 1958, époque au cours de laquelle il est sous administration française. Après l’indépendance du Mali en 1960 cette aspiration a pris la forme de « rébellions touarègues ». Début 2012, une nouvelle insurrection est déclenchée par le MNLA. Après  le coup d'État militaire en mars 2012 à Bamako qui a renversé le président malien Amadou Toumani Touré, le MNLA proclame unilatéralement l'indépendance de l'État de l’Azawad le 6 avril.
L'indépendance de l'Azawad n'est pas reconnue par la communauté internationale ni par l’Union africaine. Le 26 mai 2012, c’est la fusion du MNLA avec le mouvement Ansar Dine et la constitution d’une armée pour sécuriser ce nouveau territoire, indépendant et déclaré islamique, sous l’égide d’un Conseil transitoire de l’état islamique de l’Azawad. Le MNLA, de ligne résolument laïque, est néanmoins en désaccord sur ce point avec les mouvements islamiques. On est donc devant une double motivation au Nord-Mali, une revendication territoriale clairement affichée par le MNLA et une motivation religieuse avec le djihad et l’implantation de la charia. Ces deux motivations, auxquelles il faut adjoindre le contrôle de transit et de contrebande, lient ces mouvements dans les actions guerrières et les opposeraient en temps de paix.
Ceci permet de mieux comprendre ce qui se joue depuis notre arrivée le 11 janvier. Le Mali est vraiment, géographiquement et ethniquement, divisé en deux parties distinctes. La revendication de scission colle malheureusement à la réalité et est compréhensible même si la géopolitique occidentale fait craindre l’implantation d’un état islamique djihadiste au cœur de l’Afrique. Fort de l’appel du gouvernement légal, à l’opposé de ce que nous faisons en Syrie, nous intervenons militairement, non pas en logistique et communication comme en Syrie aux côtés de forces djihadistes pour partie, mais sur le terrain contre ces mêmes forces au Mali.
La politique étrangère de la France a d’étranges contorsions de la cohérence. Notre attitude a d’ailleurs subi une volte-face puisque le président assurait il y a peu qu’il n’était pas question d’intervenir au Mali. Le conflit malien était un conflit interne et la présence d’une petite troupe sur place n’avait pour mission que de protéger nos ressortissants. Depuis mai 2012, l’aide de la France était pourtant sollicitée et d’une façon plus médiatisée depuis décembre. La non-reconnaissance de l’indépendance de l’Azawad par le gouvernement malien et son désir de reconquête par son armée ne pouvait pourtant pas aboutir à autre chose que ce qui s’est passé jusqu’au 10 janvier.
Les armes avaient parlé et nous savions que les forces de l’Azawa étaient supérieures en équipement et en valeur militaire. Notre politique d’autruche, nous a empêchés d’être présents militairement aux côtés du gouvernement malien dans la partie sous contrôle. Un déploiement de forces conséquent aurait fait hésiter les indépendantistes et prolongé les tractations entre les deux belligérants en présence. Nous aurions eu le temps de mieux former l’armée malienne et de mieux  se coordonner avec elle. Nous étions alors dans une position défensive sur un terrain plus facile que le territoire dunaire et caillouteux de l’Azawad.
Peut-être ai-je, en temps qu’officier supérieur de réserve, une vision plus juste que certains mais la position française a indubitablement manqué de cohérence et de vision. Nous allons payer un lourd tribut, humain et financier, dans une guerre où nous sommes devenus les agresseurs. Vu ce qui se passe en Syrie et s’est passé en Afghanistan, la guerre sera longue. Tout terrain gagné sera harcelé par des forces extrêmement mobiles qui connaissent parfaitement le terrain et ce type de guerre. Nous ne luttons pas contre des terroristes ou des brigands, comme cela est dit, mais contre des peuplades qui ne se reconnaissent pas dans le découpage postcolonial qu’on leur a imposé et contre une guerre de religion qui prend des formes d’invasion de peuplement ou des formes guerrières.
L’emblème de l’Islam se réclame de ses deux formes d’islamisation de la planète entière. L’argent du pétrole, de la contrebande, de la drogue et des enlèvements d’otage permet désormais de multiplier les actions guerrières sur une grande partie de la planète. L’arrivée, la cohésion, la motivation des troupes africaines ne seront pas suffisantes pour éradiquer de tels mouvements. La France est devenue un acteur militaire d’une troisième guerre mondiale dont la phase guerrière conquérante est en marche.
Le chef de guerre qui gagne est celui qui prévoit le mieux
le comportement de l’adversaire.
Le temps perdu ne se rattrape jamais.
Claude Trouvé
Coordonnateur MPF du Languedoc-Roussillon

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