vendredi 16 novembre 2012

Hollande : le contorsionniste hésitant

The Economist, journal libéral anglo-saxon, fait sa Une avec une caricature d’une France liée à une botte de baguettes de pain qui contient une bombe à retardement. Le gouvernement et la plupart des éditorialistes français ont considéré qu’il s’agissait d’un non-évènement, un simple coup médiatique pour vendre et qu’il ne révélait rien que l’on ne sache déjà. C’est une réaction typiquement chauvine surtout quand cela vient de ceux qui sont de l’autre côté de la Manche.
Il est vrai qu’il n’y a rien dans cet éditorial qui soit une révélation pour un économiste ou un journaliste économique français et qu’il est porteur de vendre aux citoyens anglais des mauvaises nouvelles françaises. Crécy, Jeanne d’Arc, Trafalgar, Austerlitz et Waterloo et d’autres affrontements historiques, laissent encore des traces ailleurs qu’entre les marins français et britanniques. Ceci étant, le français moyen est très peu formé et intéressé à l’économie en dehors de celle de son porte-monnaie, au contraire des anglo-saxons. Il a tendance à faire une confiance aveugle aux politiques, qui sur l’économie ont également un déficit de culture avec les autres pays germaniques et anglo-saxons. Cette piqure d’amour-propre, que nous inflige ce journal, permet au moins d’éveiller des doutes dans l’esprit de chacun sur la consistance des propos du Chef de l’Etat.
Ses propositions, issues du rapport Gallois, ont surpris des membres de son parti et estomaqué les sensibilités du Front de Gauche qui y voit, à juste raison, une trahison. Après la signature du traité européen et la ratification du TSCG, cette volte-face libérale est un second camouflet pour ceux qui n’avaient jamais entendu le mot de « compétitivité » dans les discours de campagne et n’avaient retenu que ceux de « justice », « emplois d’avenir », « fonctionnaires en plus pour l’Education », « vrai changement (par rapport à la politique précédente) ».
Pourtant l’un des premiers actes du nouvel élu aurait dû les interpeller, sa visite à la City. Cet acte n’était pas anodin avant sa rencontre avec Merkel, il s’agissait de montrer qu’il était prêt à jouer d’une certaine indépendance vis-à-vis de l’Allemagne et surtout rassurer la grande finance internationale. La mise en scène pour renégocier quelques lignes sur la croissance avec Merkel était prête puisqu’in fine suivre la politique allemande était son objectif. Comme Mitterrand qui avait perdu la confiance dans une France pouvant agir seule et signé Maastricht, Hollande veut une Europe protectrice garantissant aussi une solidarité vers la France. Il milite pour la solidarité en faveur de la Grèce, pour les eurobunds et les prêts de la BCE directement aux Etats pour mieux assurer une solidarité européenne envers la France.
Sur le plan intérieur cela l’oblige à respecter les engagements pris sur le déficit budgétaire. Les largesses du début de mandat l’ont contraint à faire quelques économies par ailleurs et augmenter la pression fiscale par rapport au budget prévisionnel 2013 laissé par le gouvernement précédent. Mais Hollande est plus un Européen Social-démocrate qu’un pur socialiste français. Ayant une enfance de compromis entre ses parents d’opinions politiques opposées, il pense réussir le tour de force de faire une politique droitière après avoir été élu grâce à l’apport d’un communisme renaissant dans le Front de Gauche et les immigrés en majorité musulmans.
Il défend la souveraineté de la France en s’opposant à un contrôle strict de son budget par l’Europe, mais il milite en même temps pour plus de fédéralisme dans l’aide communautaire. Il trace des sillons pour simuler un cap mais il prévoit le labour pour plus tard. Il hésite à s’engager dans les réformes qu’il sait salutaires en espérant toujours des conditions plus favorables. Ce contorsionniste équilibriste manie l’art Mitterrandien de temporiser.
Mais nous ne sommes plus en 82-83, la France s’est enfoncée dans la dette et ses capacités industrielles ont fondu, entraînant un lourd déficit de son commerce extérieur. L’Europe fléchit et les réformes structurelles entreprises par l’Allemagne et le Royaume-Uni n’ont pas été prises et attendent toujours. Le Français est le dernier représentant des pays européens qui croit à la toute puissance de l’Etat pour le protéger individuellement et rétablir la puissance économique du pays. Hollande a trompé beaucoup de ses partisans, il lui reste à prouver qu’il a eu raison, car la France chancelle et la zone euro, voire l’Europe, la regarde comme le pilier malade sans lequel l’édifice s’effondre.
Laisser du temps au temps, c’est bien parfois,
Mais a-t-il encore le temps ?
Claude Trouvé
Coordonnateur Languedoc-Roussillon

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