mardi 7 août 2012

En zone euro on joue au « poker menteur »

Le mois d’août est propice à l’attentisme et c’est ce à quoi l’on assiste en zone euro après les déclarations ambigües de Mario Draghi, donc de la BCE. L’euro est irréversible mais ne garantit plus les pays sur un pied d’égalité. On assiste ainsi au jeu du « poker menteur » ou au jeu de stratégie  de « la poule mouillée », variante du « dilemme du prisonnier ».

Personne ne dit la vérité en attendant que l’autre se découvre le premier dans le but de maximiser son gain. L’Espagne n’a pas besoin d’aide. Elle maintient cette affirmation pour forcer la BCE à proposer son aide et se trouver en position de force pour en négocier les conditions. Dans le cas inverse ce serait un aveu de faiblesse et de « poule mouillée » donc de capitulation où l’adversaire vous impose ses conditions.

La BCE, qui n’est pas dupe mais qui peut intervenir, ne bouge pas invoquant des prétextes divers qui ne sont en fait que de faux prétextes pour gagner du temps. Qui cèdera le premier ? La zone euro craint un défaut de l’Espagne et ne peut pousser trop loin ce jeu. L’Espagne de son côté ne peut plus soutenir longtemps le taux actuel des prêts, le déficit de ses régions et de ses banques.

L’Italie et l’Espagne sont dans des situations comparables vis-à-vis de l’aide nécessaire. Leurs taux d’emprunt évoluent d’une façon très corrélée. Dans ces deux pays, les gouvernements respectifs ont mis en œuvre depuis 2011 des politiques visant à la fois à rétablir les finances publiques et à reconstituer la compétitivité de l’économie.

En Espagne, l’austérité budgétaire est mise en échec par l’endettement des ménages (près de 100% du PIB en 2007) qui provoque une crise bancaire, que le gouvernement doit stabiliser. Les recettes fiscales sont aujourd’hui plus basses qu’en 2010 et 2011 du fait de la contraction de l’économie et ceci malgré les mesures prises par le gouvernement Rajoy pour réduire le déficit.

Le problème essentiel de l’Italie est la combinaison d’une très forte dette publique (120%) et d’une entrée en récession. La politique mise en œuvre par le Premier Ministre, M. Mario Monti a abouti simultanément à un freinage des salaires qui a fait entrer l’économie en récession et à un accroissement du taux de défaut (faillite) des agents privés qui est en réalité supérieur à celui de l’Espagne. Malgré des méthodes de l’administration fiscale, qui sont en train de provoquer une « révolte anti-fiscale  » en Italie du Nord, les recettes fiscales se sont elles aussi contractées.

Ainsi, les situations de l’Espagne et de l’Italie sont différentes, mais le résultat est identique : une crise de compétitivité qui alimente des doutes sur la solvabilité de ces pays et qui induit une crise de liquidité. Les gouvernements Monti et Rajoy sont finalement dans les mêmes difficultés insolubles sans aide extérieure.  Les besoins en financement de ces deux pays peuvent être estimés à 280 milliards d’Euros pour l’Espagne et 600 à 700 milliards, pour aller jusqu’à la fin de l’année 2012.

La concertation Monti-Rajoy aboutit forcément sur la stratégie concertée du poker menteur. Si celle-ci échoue, l’Espagne défendra une stratégie de sortie de l’euro différente de celle de l’Italie, unilatérale pour l’Espagne, concertée pour l’Italie… L’Allemagne de son côté peut brandir la menace de sa propre sortie de l’euro en invoquant l’atteinte de la limite du supportable pour son économie.

La France, devenue totalement tributaire de la santé de l’Allemagne, a perdu tout leadership et s’accroche à ses taux d’emprunts bas, en fait garantis par son partenaire et adversaire économique et financier. Empêtrée politiquement dans la nécessité d’avaliser les engagements de la France tout en excluant « la règle d’or », elle veut faire croire que ses « mesurettes » d’austérité budgétaire sont un garant suffisant de sa volonté de ne plus être cigale. Mais elle attend des fonds européens pour sa croissance en repoussant une vraie réduction des dépenses de l’état. Les réformes structurelles ne sont pas l’urgence. « Poker menteur » aussi !
Quand tout le monde se tient par la barbichette

Personne ne bouge, le pilote attend les ordres,

La barre est folle et le bateau coule !

La mer n’attend pas !

Claude Trouvé
Coordonnateur MPF du Languedoc-Roussillon