dimanche 13 mai 2012

Le libéralisme est-il une maladie honteuse ?

A l’heure où nous retombons dans un débat gauche-droite, décalé par rapport à l’évolution des peuples et aux nouveaux problèmes posés à la société européenne, il serait temps de distinguer clairement sur quelle philosophie politique notre pays entend être gouverné. Or c’est dans une séparation gauche droite que nos politiques nous ont enfermés. Pourtant tout le monde se réfère aux mêmes objectifs. Tous nous bercent de plus ou moins de justice sociale, de rigueur, de croissance, de sécurité, d’Europe, de patrie, de Marseillaise, d’ouverture, de dialogue social, d’entrebâillement des frontières.

Qui finalement reconnait qui ? Il n’y a plus de fil directeur à la pensée. Elle s’organise pourtant dans nos sociétés modernes occidentales sur trois conceptions différentes, socialisme, conservatisme et libéralisme. Les conservateurs considèrent que l'ordre qui doit soutenir la société est un ordre naturel. Les socialistes croient en l'efficacité d'un ordre construit grâce à la raison. Les libéraux  considèrent que l'ordre s'auto-organise, comme la nature s’auto-régule, pour peu que des droits et devoirs des personnes soient clairement définis.

Nous entrons dans une nouvelle prise de pouvoir du socialisme (socialisme, communisme, sociale démocratie), qui rejette plus ou moins le conservatisme (nationalisme, gaullisme, royalisme) et le libéralisme (classique, contemporain). Ces trois courants d’idées sont pourtant présents à des doses diverses dans tous les partis. La droite par exemple adhère parfois au libéralisme dans le domaine économique, tandis que la gauche adhère en général au libéralisme dans le domaine des mœurs.

Le libéralisme n’est ni de droite ni de gauche c’est un courant de pensées qui vient du siècle des Lumières et se rattache aux écrits de Montesquieu et de Voltaire entre autres. Mais aujourd’hui être libéral en France, est une école du stoïcisme, c’est un peu comme être un astro-zombie mutant. C’est mal vu dans les soirées entre amis ou dans les dîners entre gens biens. Le libéral français se contente alors en général d’un silence désabusé lorsque le néo-socialiste illustre sa supériorité morale par des propos sans concession contre la souffrance et le monde l’argent.

« Il n’y avait aucun candidat libéral dans une campagne qui a atteint des sommets de démagogie et qui flattait deux bas instincts humains : la peur et l’envie. L’antilibéralisme était même le seul point commun des dix candidats. Un peu comme si la France pouvait penser son avenir sans prendre conscience que nous vivons dans une société ouverte, que les modèles sociaux sont mis en concurrence, que les personnes et les capitaux peuvent aisément franchir les frontières. Quel archaïsme de la pensée ! » (Valeurs actuelles)

La domination culturelle et médiatique de la gauche socialiste depuis les années soixante a en effet petit à petit institué des tabous politiques que l’on se doit de respecter dans beaucoup de milieux intelligents, humanistes et un chouia conformistes. Le libéralisme est perçu, à tort, comme un économisme immoral alors qu’il est une philosophie profondément humaine de la protection de la plus petite des minorités – l’individu – contre tous les pouvoirs (publics et privés). Il est fondé sur des valeurs fortes portées par la Renaissance et les Lumières : la liberté, la responsabilité, la propriété, qui sont les moteurs de la croissance économique, sociale, technique et culturelle. Tous les pays du monde qui ont, à un moment de leur histoire, bénéficié d’un souffle de liberté, ont vu leur économie progresser, la pauvreté reculer.

Le libéralisme affirme le droit à la vie et à la sûreté, le droit à la liberté, le droit à la propriété. Ceci est d’ailleurs inclus dans les Droits de l’Homme :

« Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'Homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l'oppression. » Article 2 Déclaration des Droits de l’Homme de 1789.

"Les déclarations des droits de l'homme en leurs lignes générales (sont) la charte même du libéralisme (...). Le libéralisme intelligent consiste donc, non pas à affaiblir le pouvoir autant qu'on le peut et sur tous les points -cela aussi est stupide- mais à tracer fermement la limite en deçà de laquelle le pouvoir central doit être très puissant, au-delà de laquelle il doit n'être rien du tout." Emile Faguet - Libéralisme en 1903  (cité par Alain Laurent) Libéralisme.

Ainsi le libéralisme peut se manifester de façon forts diverses, voire opposées. Le libéral peut être suivant le cas celui qui exige de l'État qu'il brise une tradition qui contraint la liberté de l'individu (caste, statuts, discriminations et privilèges…), celui qui défend la liberté de pratiquer une religion ou une tradition, celui qui demande que l'État intervienne pour redonner une véritable capacité d'action économique (bridée par un monopole, la pauvreté, le manque d'éducation, de crédit ou autre), ou encore celui qui s'oppose à l'intervention du pouvoir (dans le respect de l'initiative privée, de la libre concurrence, de l’égalité de traitement…).

En matière économique c’est le libre-échange, la liberté d'entreprendre, le libre choix de consommation, de travail, etc. et une intervention de l’État aussi limitée que possible. Les libéraux affirment avec plus ou moins de force, pour tenir compte aussi des « défaillances des marchés », que la puissance publique n'a ni la légitimité, ni l'information nécessaire pour prétendre savoir mieux que les consommateurs ce qu'ils peuvent ou doivent consommer ou pour prétendre savoir mieux que les producteurs ce qu'ils peuvent ou doivent produire.

« La vraie opposition n’est plus “droite-gauche” mais “confiance dans l’individu-confiance dans l’État”. Des gouvernements de gauche ont porté des réformes libérales en Australie, en Nouvelle-Zélande, au Canada. Au Royaume-Uni, la droite et la gauche ont compris qu’il fallait moins et mieux d’État, et plus de confiance dans l’individu. Qu’est-ce qu’attend la France ? » (Valeurs actuelles)

En ce dimanche de précampagne législative, j’invite les amis socialistes ou conservateurs à lire ce texte :

« J’ai défendu quarante ans le même principe : liberté en tout, en religion, en littérature, en philosophie, en industrie, en politique, et par liberté j’entends le triomphe de l’individualité tant sur l’autorité qui voudrait gouverner par le despotisme que sur les masses qui réclament le droit d’asservir la minorité à la majorité.

Le despotisme n'a aucun droit. La majorité a celui de contraindre la minorité à respecter l'ordre : mais tout ce qui ne trouble pas l'ordre, tout ce qui n'est qu'intérieur, comme l'opinion; tout ce qui, dans la manifestation de l'opinion ne nuit pas à autrui, soit en provoquant des violences matérielles soit en s'opposant à une manifestation contraire; tout ce qui, en fait d'industrie, laisse l'industrie rivale s'exercer librement, est individuel, et ne saurait être légitimement soumis au pouvoir social.»  Benjamin Constant 1767 - 1830 

A l’heure où la démocratie, liberté chèrement acquise du peuple de France, est bafouée par une Europe de fonctionnaires et de lobbies, à l’heure où l’Etat socialiste veut imposer sa « raison » sur le monde économique et sur notre mode de vie en société multiculturelle, il me vient l’envie d’une autre route et à l’esprit la chanson d’un poète libertaire…

"Au village, sans prétention,
J'ai mauvaise réputation.
Qu'je m'démène ou qu'je reste coi
Je pass' pour un je-ne-sais-quoi!
Je ne fais pourtant de tort à personne
En suivant mon chemin de petit bonhomme.
Mais les brav's gens n'aiment pas que
L'on suive une autre route qu'eux."
Georges Brassens
Claude Trouvé