lundi 30 avril 2012

L’Europe aveuglée par son refus de puissance

En rêvant de bâtir un continent avec des peuples réunis sous une même administration et une même monnaie, l’Europe a renié volontairement en même temps toute volonté de puissance. Son peu de goût pour assurer sa défense, son ouverture aux migrations et aux échanges internationaux sans contrainte sont les marques du choix d’une mondialisation heureuse. La vente de produits élaborés sur son territoire était censée lui apporter la prospérité.

L’Europe a pourtant une difficulté majeure à surmonter, c’est la faiblesse de ses matières premières peu présentes dans son sous-sol. Il semble que les crises financières de liquidité et de solvabilité des banques et des états aient complètement rejeté dans l’oubli ce qui préoccupe toutes les puissances de la planète. Pourtant les ressources minières et agricoles ne sont pas inépuisables même si sur certaines une course se déroule entre la production épuisant les réserves et la découverte de nouveaux gisements ou l’augmentation de la fertilité des sols.

Cette bataille de l’homme ne sera pas gagnée sur tous les tableaux et des pénuries vont se faire jour dans certains secteurs vitaux. Les pays qui ne l’auront pas anticipé deviendront les esclaves des autres. Cette idée n’est pas une simple anticipation destinée à faire peur, elle est chiffrée avec plus ou moins de précision mais montre l’urgence du risque. On ne saurait, dans ce domaine, mieux illustrer le « diriger c’est prévoir ».

Les matières à risque sont nombreuses. L'or, par exemple... l'argent, le sel, l'huile de baleine, l'ivoire, les épices, les diamants, le pétrole brut, le bois et même le bat guano (engrais naturel fait de fientes d'oiseaux marins et de chauve-souris !). Pour le moment, ça ne semble pas trop dramatique... surtout quand toute notre attention est portée à la crise financière... aux élections présidentielles... aux faits divers qui ne manquent pas...

Pourtant « Barry Callebaut, numéro un mondial du chocolat, a annoncé dans Les Echos de janvier 2012 le risque de pénurie sur le cacao à un horizon de 10 ans. Toujours selon Les Echos, l'Organisation internationale du cacao (ICCO) affirme que si rien n'est fait, le prix du cacao sera multiplié par cinq ou six à horizon 2030. Il parait qu'on trouvait jadis des pépites de cuivre de 60 livres (27 kg) gisant sur le sol à proximité du site de Bingham Canyon, une mine de renom dans l'Utah. Mais pour extraire ce cuivre de la mine aujourd'hui, il faudrait retourner quatre tonnes et demi de roche -- à 4 000 mètres de profondeur ! Dans ces conditions, les coûts explosent.

Selon certaines estimations, on peut s'attendre à une pénurie de métaux comme le palladium (en 2023), l'or (en 2025), le zinc (2025), l'indium (2025), l'étain (2028) -- et la liste continue :  (les dates précises importent peu) l'argent-métal et les terres rares nécessaires pour fabriquer des téléviseurs à écran plat, téléphones cellulaires, ordinateurs et autres écrans tactiles électroniques personnels... Le molybdène, le chrome, le manganèse, le zinc et le nickel sans oublier l'acier pour produire nos ponts, immeubles et matériels de forage... Les métaux industriels de base comme le cuivre et l'aluminium pour réaliser le câblage et les composants dont on a besoin pour fabriquer les avions et les blocs moteurs. La potasse et les phosphates dont dépendent les agriculteurs pour nourrir plus de sept milliards de personnes... à un rythme industriel postmoderne ! » (Chronique Agora)
  
Les gouvernements des pays développés à travers le monde comprennent que le risque de pénurie serait dramatique. C'est pourquoi ils déploient toutes sortes de stratégie pour tenter de verrouiller les ressources, l’Europe non car elle a décidé de renoncer à la puissance… dans un monde de fraternité idéalisé de mondialisation où seul le commerce tranquille peut exister.

"La Russie est décidée à se lancer à toute vapeur et sans complexe dans la bataille géopolitique pour le contrôle des formidables ressources énergétiques de la région du Grand Nord." -- Le Figaro du 14/10/2007. Mis à part le pétrole, la région regorgerait d'or, de platine, de manganèse, de plomb, d'étain et bien plus encore.

La Chine entre en jeu également -- avec une démonstration de force sur le terrain des terres rares par exemple et de plus en plus contestée : "Les États-Unis, l'Union européenne et le Japon ont porté plainte, mardi 13 mars [2012], contre la Chine auprès de l'Organisation mondiale du Commerce (OMC) pour ses pratiques "déloyales" sur les exportations de métaux appelés "terres rares"." -- Le Monde du 14/03/12. La Chine produit plus de 95% des terres rares de la planète -- et elle n'est pas le seul pays à faire preuve d'un certain nationalisme en ce qui concerne ses richesses naturelles.

La pénurie c’est l’augmentation exponentielle des coûts et ensuite la dépendance d’un pays ou d’un continent. C’est pourquoi on constate un combat titanesque entre les puissants, au premier rang desquels il faut placer la Chine et les États-Unis  pour geler à leur profit les ressources de la planète. Bien des conflits trouvent là leur explication et c’est désormais un combat de survie qui n’exclue pas les guerres. Si le réchauffement de la planète est réel, on lorgne sur les richesses du pôle nord, mais aussi des astéroïdes et même de celles des astres proches de nous. On est bien loin des « croisades » que mène la France où tout au moins ce qu’elle fait croire à son peuple.

L’Europe empêtrée dans ses dettes,

Géant aux pieds d’argile, reste la tête dans les étoiles

Avant que le ciel ne lui tombe sur la tête.

Claude Trouvé