mardi 17 avril 2012

Attachez vos ceintures… Gare au trou d’air !

Nos candidats à la présidentielle avancent masqués et leurs programmes ne sont pas à la mesure des évènements économiques qui nous attendent. Seule des grands pays de l’Europe la France ne prévoit pas un changement radical de sa politique économique. Les propositions de Hollande et Sarkozy sont de la poudre aux yeux. La croissance, ce remède miracle évoqué comme la potion magique qui imbibe une austérité douce, ne se décrète pas, elle se construit lentement dans une politique claire sur l’avenir de la France dans l’Europe.

La France est entrée depuis une semaine en zone de turbulences électorales. Il faut dire que nous l'avons bien cherché. Avec une campagne déprimante, des candidats pitoyables et des programmes déconnectés de la réalité de la crise, nous voilà exposés à tous les vents des marchés. Des marchés dénoncés par tous les candidats, mais des marchés qui financent notre… dette. Cette dette c’est celle que les gouvernements successifs de gauche et droite ont creusé, année après année depuis 1974, en donnant à tous les corporatismes pour les échéances électorales, en omettant les réformes structurelles nécessaires à la diminution des dépenses de l’Etat.

« Quel que soit le candidat qui sera élu, le verdict des investisseurs est tombé : La France doit lancer un programme de réformes structurelles à l'italienne et s'attaquer enfin à la réduction de ses dépenses publiques. Or chacun des deux principaux candidats a donné hier un meeting à Paris, aucun n'a réellement parlé de sacrifices, et les deux ont donné des raisons aux marchés de s'inquiéter. Sarkozy a remis en cause l'indépendance de la Banque centrale Européenne et c'est le sujet qui énerve le plus les allemands, et Hollande veut renégocier le traité européen fraîchement signé et c'est l'autre sujet qui énerve les allemands. »(Capital)

Nous sommes dans une Europe à domination allemande et nos petites crises de mauvaise humeur se termineront toujours de la même façon. L’Allemagne a une Europe taillée à sa mesure pour l’instant et ne pliera pas sur la BCE, ni sur les conditions de fonctionnement du nouveau MSE, ni sur le dogme de l’austérité d’abord, la croissance ensuite. Cette dernière n’est évidemment pas sa préoccupation première car c’est nous qui alimentons la sienne.

Moody’s va lâcher son verdit le 12 mai sur les banques européennes et sur la France. Vu les programmes de deux candidats, on peut pronostiquer une baisse de la note de la France et peut-être des trois banques principales françaises. Si c’était le cas la France traverserait un énorme trou d’air avec la perte de la confiance des investisseurs, des pertes de liquidité des banques et des difficultés à emprunter au taux de 3% actuel à 10 ans. Notre commerce extérieur ne se porte pas bien et la croissance n’est pas au rendez-vous de ce semestre en tous cas. On peut toujours rassurer l’électeur en prédisant la reprise, celle que l’on a déjà souvent prédite ces temps-ci, mais cela ne trompe pas les marchés et les investisseurs. 

Les Etats-Unis alimentent une croissance molle par l’injection de liquidités sur le marché. La Chine a une croissance forte mais en diminution constante et doit se réorienter sur son marché intérieur avec une légère réévaluation du yuan. Mais l’avenir de l’Europe et de l’euro va se jouer avec les quatre pays Irlande, Portugal mais surtout Espagne et Italie. Nous sommes aujourd’hui dans le calme relatif de l’œil du cyclone mais l’euro est déjà exposé aux vents périphériques des nations du sud. N’en doutons pas, ce qui est certain c'est que la France est au centre des radars des investisseurs. Après une campagne déconnectée de la réalité de la crise et un affrontement de programmes surréalistes, les candidats nous ont exposés à d'éventuelles attaques des marchés.

Pour peser dans l’affrontement avec l’Allemagne, la France doit envisager suffisamment sérieusement une porte de sortie des traités. L’avenir de l’euro et par là même l’avenir de l’Europe doit être au centre des discussions. Si la détermination de la France n’est pas clairement affichée et crédible, l’Allemagne n’aura aucun intérêt à changer les règles du jeu qu’elle a fixées et qui lui sont favorables. La construction possible d’une Europe à plusieurs vitesses, comme évoquée par Fabius au moment de Maastricht, la création d’une monnaie commune sont des voies alternatives mais en toile de fond la France doit se dire prête à sortir des traités et de l’euro si des évolutions notables ne sont pas négociées.

Aucun des deux principaux candidats n’a affiché cette détermination et nous risquons de rentrer dans une discussion longue à rebondissements mais à issue à l’allemande avec quelques concessions ne remettant pas en cause le fondement des traités. Cette course de lenteur ne résistera pas à l’impatience des marchés et ruinera la confiance des investisseurs. Ce sont les pays faibles qui paieront la note et nous allons en faire partie au train où nous y allons. L’Espagne vient d’entrer pour la deuxième fois en récession et emprunte désormais à 6%. Son climat social est désastreux et le chômage touche la moitié des jeunes. C’est le trou d’air vers lequel nous nous dirigeons.

Si le gouvernement de Mariano Rajoy a présenté un budget de rigueur sans précédent, avec des coupes budgétaires de l'ordre de 27 milliards d'euros, Madrid entend accroître son effort dans la réduction du déficit afin de rassurer les investisseurs. De cette manière, les régions sont appelées à réduire leurs dépenses de santé et d'éducation dans le but de dégager une économie de 10 milliards d'euros supplémentaires.

Il n’y a que deux voies réalistes possibles soit la course vers le fédéralisme en abdiquant notre indépendances nationale remise entre les mains d’un organisme supranational, encore un peu plus éloigné du peuple que notre gouvernement, soit une Europe des peuples ou des nations à géométrie variable mais où chaque nation adhère, au fur et à mesure de ses intérêts, à des regroupements, à des convergences sociales et législatives, à une monnaie, à des plans structurels européens, à des investissements de la taille d’un continent, à des frontières clairement adoptées par ses peuples.

Chacun doit se rendre à l'évidence que la première solution ne peut se mettre en place que sous le joug de l'Allemagne actuellement. Le consensus à la majorité, même qualifiée, n'est pas pour demain en dehors de toute autre considération. Les solutions des demi-mesures ne sont faites que pour gagner du temps mais la gangrène n’attend pas.

Le navire France, qui n’a pas choisi la passe

Pour s’abriter au port en pleine tempête,

Peut se fracasser sur les écueils qui l’attendent.

Claude Trouvé