mercredi 14 mars 2012

Que penser un an après Fukushima ?

L’anniversaire de cette catastrophe a ranimé la dynamique antinucléaire des écologistes dont les sondages pour la présidentielle montrent que l’agitation de la peur par le relais des médias est un soufflet que la réalité fait vite retomber. La France, pionnière dans le domaine du nucléaire, a montré depuis plus d’un demi-siècle son niveau de maîtrise de cette énergie au monde entier. Depuis Becquerel, le découvreur de la radioactivité, en passant par Pierre et Marie Curie, Charpak et bien d’autres, le nucléaire fait partie des domaines de la science où notre pays brille le plus. Aucun accident de centrale n’a réellement endeuillé notre pays alors que nous sommes le pays le plus nucléarisé du monde par rapport au nombre d’habitants. Ce n’est pas le cas, par exemple, de l’industrie chimique et des produits chimiques qui tuent et polluent notre sol et nos cours d’eau.

Il ne vient à l’idée de personne de cesser la production de produits chimiques pas plus que de nier que toute industrie est potentiellement plus ou moins dangereuse. La seule attitude possible pour accepter le progrès est de faire en sorte que la maîtrise de cette dangerosité soit toujours optimale. Nous avons montré que le nucléaire peut être maîtrisé et peut, par rapport au temps de fonctionnement et à la quantité d’énergie produite, afficher une très faible probabilité d'accident. La condition est que la recherche du profit et de la performance ne passe jamais devant celle de la sécurité dite sûreté dans ce domaine.

Il n’en reste pas moins vrai que des accidents entraînant des morts d’hommes et des graves pollutions de l’environnement ont eu lieu dans le monde. Sur trois accidents de centrales nucléaires, le premier aux États-Unis a suscité de graves inquiétudes mais n’a tué personne ni pollué, le second à Tchernobyl reste le plus grave accident nucléaire dû à une série de fautes humaines, le troisième au Japon est le résultat d’une prévoyance insuffisante et d’un cataclysme naturel.

Le tsunami de Fukushima, généré par une secousse tellurique exceptionnelle de magnitude 9 qui a ébranlé une vaste région, a d’abord été la cause immédiate de près de 20.000 morts. Un an après la destruction des réacteurs, on ne peut encore dénombrer des morts dus à la radioactivité même si l’on peut admettre que, statistiquement dans les années à venir, on puisse le constater. Cet accident nucléaire majeur s’avère 10 à 20 fois moins grave que celui de Tchernobyl pour ce qui est de l’épandage de la radioactivité sur et hors du Japon. Les quantités de radionucléides émises sont très inférieures et la plus grande partie s’est répandue sur l’Océan Pacifique et diluée dedans.

Pour mieux interpréter les informations fournies par les médias, toujours prêts à relater la peur et l’angoisse, il faut rentrer un peu dans la connaissance de la radioactivité et ce n’est pas si simple. Nous entendons surtout parler de « becquerels » sur des images de techniciens manipulant des appareils qui crépitent, annonçant des chiffres en milliers, voire en centaines de milliers et ajoutant c’est beaucoup plus que la norme admissible. Nous plaignons immédiatement les populations qui y vivent et notre inquiétude d’un accident similaire chez nous grandit. Or ce « becquerel » est une unité très petite et nous ramène au niveau de l’atome et à ses constituants beaucoup plus petits.

Un corps est radioactif quand il se désintègre en projetant à l’extérieur un de ses constituants ou une onde. Le becquerel est l’unité de mesure d’une désintégration par seconde. C’est la traversée d’une de nos cellules par ces projectiles qui peut provoquer sa mort par ionisation. Nous avons pourtant une radioactivité implantée dans le potassium de notre corps et elle est de l’ordre de 130 becquerels (Bq). La radioactivité d’un kilo d’engrais phosphaté est de 5000 Bq, celle du minerai d’uranium de 10.000 Bq/g et on classe les déchets nucléaires en « faible activité » jusqu’à 100.000 Bq/g. Cela permet de relativiser.

Mais la dangerosité de la radioactivité est aussi liée à l’énergie d’émission de ces projectiles ou rayonnements et à leur nature. Il faut donc utiliser des coefficients pondérateurs, scientifiquement calculés ou estimés au mieux des constats expérimentaux, qui rendent cette dangerosité obscure pour le public. On publie ainsi des chiffres en Sieverts(Sv) qui tiennent compte de ces trois aspects pour évaluer celle-ci mais la mesure sur le terrain est faite essentiellement en Becquerels. La radioactivité maximale artificielle admissible est fixée à 1mSv/an mais elle est de 20mSv pour les travailleurs exposés du nucléaire et un scanner est évalué à 9mSv !

Citons une valeur pratique pour fixer les idées sur les mesures des sols contaminés de Fukushima. Pour le Césium 137 qui pollue les sols autour de la centrale, la décontamination surfacique n’est entreprise que pour des valeurs relevées supérieures à 40.000Bq/m². On voit que la grandeur des nombres peut être trompeuse et facilement manipulable. L’impact sur l’homme de la radioactivité est lié à la quantité de radioactivité reçue, à la nature du rayonnement et à son énergie. C’est la « dose », suivie sur l'homme par des dosimètres, mais une même dose peut avoir des effets différents suivant la durée de l’exposition. Ajoutons à cela que la science ne dispose que de peu d’informations sur l’effet des faibles doses et que la radioactivité diminue plus ou moins avec le temps et rapidement avec la distance à la source d'émission. De plus les populations, vivant dans des régions où la radioactivité naturelle est supérieure de 10 à 50 fois la limite admissible de la radioactivité artificielle, n’ont pas manifesté des troubles significativement mesurables de leur santé.

Le drame humain de Fukushima reste d’abord celui du tsunami dévastateur. Le déplacement des populations est la conséquence majeure de la destruction de la centrale à cause de l’épandage des nucléides. C’est la mauvaise évaluation de l’ampleur du séisme, donc de la vague du tsunami, induisant la construction d’une centrale à une trop faible hauteur par rapport à l’océan, qui est la cause de l’inondation de la centrale, laquelle a résisté au séisme. On peut désormais dire que, malgré une erreur humaine d’implantation de cette centrale et dans les pires conditions de catastrophe naturelle, cet accident a eu des conséquences bien moindres qu’à Tchernobyl où les conditions extérieures étaient normales.

C’est finalement encourageant pour un pays comme le nôtre moins soumis à de tels évènements et qui va tenir compte des enseignements de cet accident majeur. Dans de tels évènements, la difficulté d’évaluation des effets réellement dangereux de la radioactivité et celle de la communication au public restent un problème majeur.

Dans un domaine de haute technologie,

L’obscurantisme s’y repaît des peurs ancestrales,

Politiques et médias décident et informent sans connaître

Au gré de mouvements populaires apeurés.

Claude Trouvé