mercredi 28 mars 2012

L’Europe absente de la présidentielle !

« L’Europe, l’Europe, l’Europe ! » disait De Gaulle pour signifier que la France restait sa préoccupation principale, lui qui fut le premier à faire le rapprochement avec l’Allemagne. De Gaulle savait bien l’Europe qu’il voulait, une Europe des nations. Il était conscient que l’Europe ne pouvait se limiter à ce duo franco-allemand et que le Royaume-Uni poserait un problème particulier du fait de son insularité et de son lien particulier avec les Etats-Unis. De Gaulle avait une vision stratégique du monde. Malheureusement les deux principaux candidats à la présidentielle ont occulté toute vision sur l’Europe à construire

Les français se disent européens sans trop savoir à quoi cela correspond sinon à une déresponsabilisation sur ce qui se passe à Bruxelles et à  une Europe « machin » qui coûte cher mais dont, apparemment, on ne peut se passer. Pour ce qui est de l’euro, on sait que cela n’amène pas la prospérité mais on se dit que sans l’euro cela pourrait être pire. Pour les deux principaux candidats à la présidentielle on a l’impression que le sujet est si sensible qu’il vaut mieux l’occulter. Dans le programme Sarkozy, dont ne nous vient que des bribes égrainées au fil des discours, l’Europe se résume à la règle d’Or donc à l’austérité. François Hollande est plus disert mais d’un flou plus qu’artistique :

« 11 - Je proposerai à nos partenaires un pacte de responsabilité, de gouvernance et de croissance pour sortir de la crise et de la spirale d’austérité qui l’aggrave. Je renégocierai le traité européen issu de l’accord du 9 décembre 2011 en privilégiant la croissance et l’emploi, et en réorientant le rôle de la Banque centrale européenne dans cette direction. Je proposerai de créer des euro-obligations. Je défendrai une association pleine et entière des parlements nationaux et européen à ces décisions. Cinquante ans après le traité de l’Élysée, je proposerai à notre partenaire l’élaboration d’un nouveau traité franco-allemand.

12 - Je défendrai un budget européen (2014-2020) au service des grands projets d’avenir. Je soutiendrai la création de nouveaux outils financiers pour lancer des programmes industriels innovants, notamment dans les domaines des technologies vertes et des transports de marchandise ferroviaires. Et je militerai auprès de nos partenaires pour une Europe de l’énergie.

13 - Je proposerai également une nouvelle politique commerciale pour faire obstacle à toute forme de concurrence déloyale et pour fixer des règles strictes de réciprocité en matière sociale et environnementale. Une contribution climat- énergie aux frontières de l’Europe viendra compléter cette stratégie. J’agirai, dans le cadre du G20, pour une parité plus équilibrée de l’euro vis-à-vis du dollar américain et du yuan chinois en proposant un nouvel ordre monétaire international. »

Comme on dit chez nous « cela ne mange pas de pain ». A part les euro-obligations qui consistent à répartir la pauvreté sur l’ensemble de la zone euro, on n’a pas de vue sur l’Europe de demain sinon qu’on la veut « croissante », merci pour la précision, mais ce sur quoi on aimerait être éclairé c’est le comment. Un nouveau traité franco-allemand dans une zone euro comprise elle-même dans l’UE ne mène guère vers une coordination des nations européennes où ce couple commence à en énerver plus d’un. Un budget européen au service de grands projets d’avenir demande d’augmenter la participation de la France de 18 milliards actuellement. De combien devrons-nous creuser la dette pour cela ? Pour ce qui est du poids de la France au G20 pour la parité des monnaies face au dollar, au yen et au yuan on peut toujours rêver.

Ne parlons pas du grand rêveur Bayrou qui recommence à nous faire miroiter une Europe de consensus idyllique où l’on commence par acheter français dans le cadre de la libre concurrence et de la mondialisation qu’il avait appelée de ses vœux. En filigrane on sent la volonté d’une Europe fédérale où la France garderait une grande autonomie. Le grand écart n’est permis qu’aux jeunes, j’ai peur qu’il ne soit plus assez souple.

Il faut aller donc chercher les autres concurrents pour se souvenir que l’Europe existe. Mélenchon tape fort et veut l’Europe des travailleurs qui met les banquiers au pas. Il incarne le changement de politique européenne et le changement tout court qu’un nombre considérable de gens souhaite, sans trop savoir ce qu’il faut faire. Il est le chantre de la révolution populaire qui ne sait pas ce qu'il va sortir de tout cela mais veut commencer par prendre la Bastille pour faire savoir qu’il existe.

Chez Marine Le Pen on parle aussi de l’Europe en reprenant les idées souverainistes mais le message économique ne fait pas toujours recette dans une clientèle ouvrière qui attend d’être rassurée sur son pouvoir d’achat immédiat. Elle revient sur le thème de l’immigration car sa vision économique de l’Europe ne fait pas rêver son électorat au-delà d’une volonté de changement d’un UMPS qui a failli depuis trente ans.

Le vrai débat sur « Quelle Europe veut-on ? », « Où sont les frontières de l’Europe ? » n’est pas abordé ni même celui de savoir si l’Europe est surtout une zone de libre-échange comme le souhaite le Royaume-Uni ou si l’Europe veut être une « puissance » qui compte sur l’échiquier mondial comme la Chine, les États-Unis et s’en donne les moyens.  

« Voilà donc la France en campagne : alors que son avenir se joue en Europe et par l’Europe, alors qu’elle va devoir tailler dans ses dépenses publiques et augmenter les impôts afin de ramener son déficit et sa dette publics dans les limites européennes, alors que la sortie de crise va dépendre de la capacité de l’Union à réguler les marchés et à peser sur eux, alors qu’il va falloir effectuer de nouveaux bonds dans l’intégration ce qui pose le défi de la démocratisation de l’Union, les grands candidats ignorent le sujet, à la différence de ce qui se passe en Allemagne. Ils se proclament "Européens", ce qui n'engage à rien. Peut-être est-ce la raison des succès sondagiers de Jean-Luc Mélenchon et de Marine Le Pen qui, eux, portent le sujet à bras-le-corps ? » Libération

Lorsque l’on occulte les problèmes fondamentaux

C’est que l’on ne sait pas les résoudre.

Alors a-ton vraiment l’envergure

Pour diriger la France ?

Claude Trouvé