samedi 21 janvier 2012

Notre politique étrangère est-elle encore française ?

Notre armée s’est déployée sur de nombreux théâtres d’opération durant le mandat de Sarkozy. Pendant ce temps le budget de la défense reste de l’ordre de 2% de notre PIB alors que la Grande-Bretagne en dépense 3%. En 2002 ce budget était de 2,5% du PIB avec 33Mds€ pour redescendre à 31,5 Mds€ votés le 09 novembre pour le budget 2012. Nous diminuons donc nos dépenses militaires en pourcentage et en valeur. 

Notre effort pour la défense nous place au troisième rang mondial derrière les Etats-Unis et la Chine. Cette place garantit une industrie militaire de haut niveau et des volumes d’exportation importants. Toutefois la question se pose de l’utilisation de ce potentiel militaire. Notre présence dans presque tous les continents nous oblige à maintenir une force d’intervention rapide et à longue portée. 

La France avait délibérément choisi d’être un partenaire amical des Etats-Unis et de rester au sein de l’OTAN en tant qu’observateur. Elle a un siège au Conseil de Sécurité et donc un droit de véto. Cette position était très importante dans la gestion de conflits mondiaux et lui permettait de prendre des décisions en toute indépendance avec un poids fort sur les décisions de niveau mondial. C’est ainsi que le président Chirac a pu refuser l’envoi de troupes françaises en Irak.

Le président Sarkozy a décidé de remettre la France dans l’OTAN dans le cadre d’une politique orientée vers l’atlantisme. Notre indépendance de décision s’en trouve réduite sans que nous soyons menacés de façon claire ni sur notre territoire, ni sur nos possessions à l’étranger ou outre-mer. L’ONU, étant sous influence prépondérante des Etats-Unis et de l’OCI, forte d’une cinquantaine de pays musulmans, donne finalement son quitus à des « croisades » dans divers pays d’Afrique et du Moyen-Orient.

Sous couvert de raisons d’établissement de démocraties la France se trouve engagée sur de nouveaux terrains d’opération comme la Libye, ou en difficulté de rompre ses engagements  comme en Afghanistan ou bien encore diplomatiquement aux côtés des Etats-Unis en Syrie et en Iran au risque de conflit avec la Russie et la Chine. Les nouveaux morts et blessés en Afghanistan, où nous sommes engagés depuis plus de dix ans, nous montrent que cette guerre est perdue comme elle le fut pour les Russes.

Des militaires du plus haut rang se sont largement exprimés sur ce sujet depuis longtemps et l’on même payé d’une mise à la retraite pour l’un d’entre eux. Notre entêtement n’a plus de raison d’être que celui de respecter notre engagement dans l’OTAN. Les américains font d’ailleurs évoluer leur stratégie en entamant des pourparlers avec les talibans en Afghanistan et en se liant au Qatar et aux frères musulmans pour mener la politique de chaos dans le pourtour méditerranéen.

Cette politique fait appel à une collusion entre les services secrets CIA, MI6 et DGSE qui préparent les actions. Le théâtre libyen et maintenant syrien sont l’application d’une stratégie américaine datant de 1982 visant à la main mise sur les champs pétrolifères et la défense d’Israël. Où est notre intérêt spécifique dans tout cela ? Kadhafi ne menaçait pas Total. Au nom de qui ou de quoi pouvons-nous affirmer que notre démocratie est meilleure pour ces pays en voie de développement que les dictatures auxquelles ils sont soumis ?

La présence militaire même secrète dans un territoire étranger est toujours finalement très mal ressentie. Notre puissance militaire nous permet d’avoir une position non engagée, donc d’arbitre. Elle ne nous permet pas de faux- pas vis-à-vis des grands pays Russie, Chine et même Inde. Ce rôle de « croisés » ne grandit pas la France même si certains peuvent temporairement nous en savoir gré. Notre politique d’ingérence à l’américaine ne sert que la politique d’hégémonie américaine.

La France n’a plus de véritable politique étrangère lisible. Son Union pour la Méditerranée risque fort d’être un marché de dupes où le monde musulman pactisera avec les Etats-Unis pour implanter son influence politico-religieuse avant de pouvoir se rebeller contre toutes les influences extérieures et investir une Europe déjà gangrénée.

Le général De Gaulle avait parlé d’une Europe de l’Atlantique à l’Oural, il serait peut-être temps d’y repenser d’autant plus que l’Allemagne l’a compris depuis longtemps. A l’heure des restrictions budgétaires il est temps de repenser à une défense indépendante, orientée au service de l’Europe et surtout de la France.

Les croisades pour délivrer Jérusalem des musulmans ne sont plus d’actualité

Mais notre politique étrangère, à la croisée des chemins

entre allégeance et indépendance,

n’existe plus.

Claude Trouvé