mercredi 4 janvier 2012

Avril au Portugal ? Non ! Chine au Portugal

Il est évident que l’angoisse étreint fortement nos dirigeants politiques européens pour qu’ils fassent appel aux pays émergents dans l’espoir d’un lessivage des dettes de pays insolvables. Nicolas Sarkozy a particulièrement sollicité la Chine pour participer à un FESF moribond et à un MES, son remplaçant en projet. Tous deux sont destinés à éponger les dettes des pays en difficulté et à permettre de participer à la relance de la croissance européenne. Le but est d’une part de contourner les traités qui imposent aux pays d’emprunter aux banques et d’autre part d’apporter la garantie globale des états pour débloquer des fonds à faible taux d’intérêt, fonds très supérieurs à ceux dont disposera réellement cette institution. C’est ce multiplicateur que l’on qualifie « d’effet de levier » dont on voudrait que cela puisse aller jusqu’à disposer de 1.500 Mds€, minimum nécessaire pour amortir une faillite de pays comme l’Espagne et l’Italie.

Pour débloquer les fonds d’aide prévus à la Grèce en difficulté, l’UE a exigé que celle-ci privatise et vende ses bijoux de famille. Le port du Pirée, les télécommunications, les airbus sont vendus à l’encan. C’est alors que la Chine se présente pour acheter des actifs dont elle espère des profits à long terme. Elle dispose de réserves monétaires qui lui ouvrent une stratégie d’acquisition dans tous les continents, soit pour assurer les ressources minières nécessaires à son développement, soit pour s’implanter avec des activités rentables. On constate que les prières françaises d’intervenir dans des fonds européens à risque ne reçoivent que des sourires jaunes de ce pays. La TVA sociale de la France, qui va handicaper sans distinction les exportations chinoises chez nous, ne va d’ailleurs pas aider ce type de négociation.

Après la Grèce, c’est le Portugal qui devient un objectif intéressant la Chine. Ce pays traverse également de grandes difficultés avec un taux de chômage de 13%, une inflation de 4%, un déficit du commerce extérieur  de plus de 7% du PIB, une dette publique de l’ordre de celle de la France en pourcentage du PIB mais une paupérisation rampante et des taux d’emprunt à 10 ans dépassant les 14%. Sa note a d’ailleurs été dégradée de 4 crans en juillet. Il ne fait aucun doute que l’on va reparler de ce pays dans les semaines qui viennent car il est désormais dans une situation insoutenable.

C’est pour cela qu’il intéresse la Chine qui se propose d’y investir en offrant 2,7 milliards d’euros pour les 21,35% d’EDP (Electricité du Portugal) mis aux enchères par Lisbonne. Mais la Chine s’engage de plus dans l’assainissement des finances du groupe et particulièrement dans le domaine des énergies renouvelables en prenant des participations minoritaires dans ses fermes éoliennes. Par ailleurs les banques chinoises ouvrent des lignes de crédit de 4 milliards jusqu’en 2020. De plus des actionnaires privés ou bancaires ont envie de se désengager et lorgnent vers les fonds chinois.

Il est dramatique de constater que la troïka, Fonds Monétaire International, Union Européenne et Banque centrale Européenne, a suspendu l’aide de 78 milliards à ce pays à la condition qu’il se lance dans un programme de privatisation. En fait c’est la porte ouverte à la Chine qui y investit comme elle l’entend et, en commençant par les pays faibles, elle donne des débouchés incontournables à son économie. Dans le cas du Portugal, qui subit une forte immigration vers le Brésil, on voit aussi l’intérêt de la Chine à regarder vers le commerce avec cet autre pays émergent.

Le Portugal est à vendre aux enchères, réseau de distribution d’énergie, compagnie aérienne, aéroports, poste et chaînes de télévision publiques. Mais la Chine s’intéresse particulièrement aux énergies renouvelables dans lesquelles le Portugal est très bien placé avec la ferme solaire, éolienne et océane la plus productive du monde. Elle prévoit d’y implanter une usine de fabrication d’éoliennes. Au passage on peut se dire que l’ambition des Verts de donner des emplois avec les énergies renouvelables se heurtera de plein fouet à l’industrie chinoise déjà très bien placée dans ce domaine et que nous ne pourrons les concurrencer. En conséquence développer les éoliennes en France c’est donner du grain à moudre principalement à l’industrie chinoise.

Le Portugal, démocratique depuis la Révolution des œillets en 1974, vit un moment difficile de son histoire et contribue à montrer combien l’euro détruit les pays les plus faibles d’abord et par contagion atteint progressivement les autres dans l’ordre de leurs difficultés. La faute n’est ni aux banquiers, ni aux agences de notation, sur lesquels les politiques défaussent leurs responsabilités. L’Europe est bâtie sur des fondations qui ont oublié de faire les sondages du sol sur lesquels elles s’appuient et la « règle d’or » n’est qu’une règle de plomb.

La crise dans la zone euro est historique

Comme la responsabilité de ses dirigeants.

Claude Trouvé



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