mercredi 28 décembre 2011

Croissance française et monnaie unique, mission impossible.


Le discours des partis majoritaires reste le même pour l’année qui vient, avant ou après la présidentielle. Le dogme de l’euro, accroché au modèle allemand, reste la seule voie possible. Le catastrophisme d’une sortie de l’euro fait toujours l’essentiel de l’argumentation politique pour continuer sur le chemin qui conduit la France vers une lente mais constante descente. Ni la dégradation vertigineuse du solde du commerce extérieur, ni l’augmentation du chômage, ni la disparition de nos industries du territoire français, ni la fuite de nos cerveaux, ni l’impossibilité de maintenir notre niveau de prestations sociales, ne font « bouger les lignes » comme le dit Jean-Pierre Chevènement.

Les affirmations sur le bien-fondé de l’euro pour la France sont de moins en moins crédibilisées par les faits, chaque citoyen peut s’en rendre compte. Il n’y a donc que l’épouvantail du catastrophisme, posé comme un postulat donc quasiment sans démonstration chiffrée, qui puisse justifier cet entêtement. On avance le poids d’une dette brusquement surévaluée dans une sortie avec dévaluation, le renchérissement des produits importés en insistant sur le pétrole, objet central des préoccupations des français. Pour ce dernier on peut montrer facilement qu’une dévaluation de 30% ne se traduit que par moins de 10% d’augmentation à TIPP et taux de TVA inchangés car les taxes représentent l’essentiel du prix du carburant. Pour la dette j’ai pu montrer dans un précédent article qu’elle ne s’aggravait pas, bien au contraire, si nous pouvons emprunter à la Banque de France à taux proche de zéro.

Le dernier épouvantail est les difficultés que l’on rencontrerait avec nos partenaires européens et en particulier l’Allemagne qui est notre premier fournisseur. Mais la France est la cinquième puissance mondiale, elle est en droit d’aspirer à avoir sa propre monnaie et l’Allemagne tient à garder son principal client. L’article 50 du traité de Maastricht prévoit la sortie d’un pays de l’UE. La Suède, grâce à la ténacité de son peuple soumis aux mêmes arguments de catastrophisme, a voté non à l’euro et gardé la couronne suédoise. C’est l’un des pays qui a le mieux surmonté la crise, dont le commerce extérieur est resté bénéficiaire et dont la monnaie s’est légèrement appréciée par rapport à l’euro depuis sa création. Alors où est la catastrophe ? Quelle est leur recette ? La gestion monétaire !

Au cours de la période de la crise 2008-2009, la couronne suédoise a été dévaluée jusqu’à 34% par rapport au dollar et 17% par rapport à l’euro pour maintenir à flot l’économie. Ericsson avait menacé, avant le vote sur l’euro, de licencier 15.000 personnes et de se délocaliser si la Suède refusait l’euro. Ericsson est toujours en Suède et n’a licencié personne. Une fois la croissance retrouvée, la couronne suédoise a été ramenée à sa valeur initiale et même un peu mieux. La manipulation monétaire intelligente a permis à la Suède de résister à un paroxysme de la crise. La monnaie a été au service de son économie. La Suède se porte bien, comme le Danemark avec la couronne danoise.

A contrario la France est en déficit croissant sur son commerce extérieur et en aggravation de sa dette publique. Elle a dû injecter de l’argent pour maintenir à flot l’industrie automobile et n’a néanmoins pas réussi à relancer la croissance malgré des ponctions sur le niveau de vie et la santé des français. La seule période vers 2001-2002 où notre commerce extérieur a été équilibré est celle où l’euro tournait autour de 0,9$ ! Désormais avec un euro fort nous filons même vers la récession, avec toujours ce mirage annoncé que demain tout ira mieux. Souvenez-vous de Christine Lagarde nous annonçant les prémisses de sortie de crise au début de l’année et émettant désormais les plus grands doutes sur la santé de l’Europe…. Comme quoi le changement d’air ouvre les esprits… ou tout au moins les langues.

La cerise sur le gâteau dans la comparaison France-Suède est que la Suède est la championne des dépenses publiques avec 58% de son PIB, loin devant la France avec de l’ordre de 45%. La politique de restriction des dépenses publiques, à laquelle l’Allemagne veut nous soumettre, n’est en aucune façon la recette qui convient à la France dans un premier temps. Si l’on peut concevoir que de dépenser moins pour un résultat équivalent est une règle de gestion valable dans le public comme dans le privé, on ne peut tailler impunément dans les dépenses utiles. La politique de rigueur à l’allemande est adaptée à ce pays, fortement bénéficiaire sur sa balance commerciale, avec un écart de plus de 200Mds€ par rapport à nous. En France l’objectif de réduction des dépenses ne peut nous permettre de relancer notre économie, d’autant plus qu’il pèsera d’une façon ou d’une autre sur notre consommation intérieure, principal moteur de notre économie comme en Suède. L’euro surévalué actuel tue l’économie française !

Dans le carcan de l’euro nous n’avons pas la maîtrise de l’euro, aux mains de la BCE donc principalement de l’Allemagne. La manipulation monétaire intelligente demande que la France ait la maîtrise de sa monnaie et une grande réactivité. Pour ces deux raisons le carcan de l’euro dans une zone où les décisions sont lentes et au prix de négociations tardives et ensuite dans l’urgence, il apparait impossible à notre pays de retrouver avant longtemps le chemin de la croissance où alors prions pour que l’euro vaille de nouveau 1$ !

La monnaie commune, pour les échanges commerciaux, donnerait une souplesse supplémentaire, à condition toutefois que chaque pays puisse librement déterminer la parité de sa monnaie nationale en toute indépendance dans une fourchette suffisamment large. La lourdeur des négociations à 17 pour un tel choix laisse peu de chances de la voir se mettre en place rapidement et dans de telles conditions, pas plus certainement qu’un choix délibéré, voire au mieux concerté, de sortie de l’euro. Ce dernier entraînerait sans doute d’autres pays et redonnerait à la France un sentiment national qui a été l’un des principaux moteurs de l’économie suédoise. L’économie n’est pas une science exacte, c’est une science humaine et les acteurs sociologiques et psychologiques y ont une importance souvent déterminante.

Tout corps lesté, aux pieds et mains liés et plongé dans l’eau froide,

Ne remontera pas à la surface… même mort !

Claude Trouvé