samedi 19 novembre 2011

La Syrie, après la Tunisie, la Libye et l’Egypte. Pour qui ?

L’opprobre est jeté sur la Syrie après des répressions sanglantes. Les USA et ses alliés français, britanniques et turcs ainsi qu’une majeure partie de la ligue arabe appellent au départ de Bachar el-Assad et ont lancé un ultimatum. L’ONU estime à 3.500 le nombre de morts depuis le début des affrontements. Bien qu’une telle comptabilité ait quelque chose d’horrible, on ne peut que repenser à notre intervention en Libye où nous avons fait irruption précipitamment pour empêcher Kadhafi de massacrer la ville de Benghazi forte de 631.000 habitants.

Nous y avons réussi au prix de 30.000 à 100.000 morts selon les différentes sources ! La dictature va y être remplacée par la dictature d’un Islam intégriste et la guerre tribale ne sera étouffée que par les mêmes méthodes qu’auparavant. L’un des pays parmi les plus riches et les plus avancés d’Afrique va entamer un recul dans le temps sous la férule d’une fausse démocratie. Excepté pour notre égo et Total, quel gâchis !

Sauf que tous ces soulèvements des peuples du pourtour méditerranéen et même de la péninsule arabique font partie de grands projets géopolitiques. Celui des américains d’abord, avec son plus fidèle allié britannique et son nouveau vassal français, puis la Turquie voisine de la Syrie et les sunnites qui poussent en avant les Frères Musulmans, tous se lient provisoirement pour faire plier le pouvoir syrien.

Les Américains s’inquiètent de l’Iran qui est très lié à la Syrie et veulent pouvoir contrôler cette dernière dont les liens, de plus, sont forts avec la Russie et la Chine. Il ne faut pas que les ressources pétrolières de ce pays soient captées par les chinois qui tissent une toile mondiale d’approvisionnement.

Les Français, qui n’oublient pas que la Syrie fut sous mandat français, pensent toujours pouvoir assumer un leadership sur tout le pourtour méditerranéen et une partie du Moyen-Orient. Ils se veulent des interlocuteurs incontournables et font chorus avec les américains, le Qatar et l’Arabie Saoudite.

Les Turcs sont nos véritables adversaires pour ce leadership.  Le Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, est très présent dans tous les pays en turbulence du pourtour méditerranéen en liaison avec les Frères musulmans. Par ailleurs il doit gérer le problème kurde, peuple à cheval sur les deux pays et en rébellion constante.

Enfin les Frères musulmans ont été mis sous contrôle en Syrie, comme en Egypte, en Libye et en Tunisie. Ils réapparaissent partout avec le financement des pays du golfe. Le Qatar est en première ligne car il a d’excellentes relations avec le monde occidental et a financé une partie de guerre libyenne.

Cette collusion provisoire d’intérêts a suscité, comme ailleurs, le soulèvement d’une partie de la population. Dans toutes les guerres civiles se mêlent les puissances étrangères. L’histoire du monde en est truffée. D’ailleurs quand on parle de guerre civile et que l’on vient au secours d’un peuple, il faut se poser la question « de quel peuple ? ». En Irlande du Nord, qui était le peuple ? Les catholiques insurgés ou les protestants tenants de l’autorité britannique ?

Les puissances étrangères ne se posent pas cette question. Ils profitent ou provoquent les circonstances qui font progresser leurs projets de géopolitique et répandent le message qui justifiera le mieux leur action. Dans ce cas-là la liberté des peuples et la démocratie, plus les morts, induits par l’affrontement, suffisent à faire adhérer les opinions publiques.

Dans le cas de la Syrie l’intervention comme en Lybie se heurte à deux écueils, la force d’une armée et le véto de la Chine et de la Russie. Il faut donc négocier au moins l’abstention de ces deux puissances, miner le pays de l’intérieur, saper ses approvisionnements en énergie et bloquer ses avoirs bancaires. Le processus est en cours, chacun des coalisés y joue son rôle.

Quand chacun avance masqué,

on peut jouer « la Comedia del arte »

et le peuple applaudit !

Claude Trouvé