samedi 8 octobre 2011

Se serrer la ceinture ou resserrer l’Europe ?

Il apparait de plus en plus clairement que l’Europe est construite sur des principes viciés. Elle se montre impuissante pour peser entre les deux géants que sont les Etats-Unis et la Chine tant sur  le plan géostratégique, que sur le plan  économique et monétaire. L’euro, qui représente 25% des transactions financières mais bien moins dans les échanges commerciaux, sert de variable d’ajustement entre le dollar, le yen et le yuan. La crise que nous traversons met en lumière la lourdeur de son fonctionnement et l’émergence de réflexes nationaux.

L’Union Européenne est tiraillée entre deux conceptions de son fonctionnement, soit une zone de libre-échange sans limites géographiques comme le souhaite le Royaume-Uni, soit une union d’Etats-nations, fédérale ou confédérale comme le souhaite la France. Il y a déjà une divergence fondamentale sur le but final à atteindre.

Elle s’est fondée de plus dans un esprit apolitique mais, depuis Maastricht, elle est amenée à prendre des décisions politiques sans pouvoir s’appuyer  sur une véritable légitimité démocratique. Le citoyen européen se sent plutôt l’otage d’une bureaucratie Bruxelloise que partie prenante dans l’élection de leaders européens qui le représenteraient.

Enfin elle s’est construite sur une option de rejet de puissance de la part des états et sur une idée de multilatéralisme, projet idéaliste de pacification des relations internationales par la coopération. Il est évident que les blocs constitués comme les Etats-Unis, la Chine mais bientôt l’Inde, le Brésil, l a Russie mènent eux une stratégie géopolitique de puissance sur le long terme.

La grande disparité de niveau socio-économique entre les états, en particulier chez ceux dont l’adhésion a fait passer l’Union de 15 à 27 membres, n’est concevable que si ces nouveaux pays rapprochent très rapidement leur niveau socio-économique de ceux des quinze premiers. Or on constate que l’écart se creuse globalement mais en même temps l’Europe perd relativement du poids économique et certains états forts comme l’Italie s’affaiblissent par contagion.

La monnaie unique sur une zone euro restreinte à 17 membres n’apparait pas comme une avancée positive devant la crise puisqu’elle ne permet pas à la zone euro de mieux résister à la crise que le Royaume-Uni, le Danemark ou la Suède ou, hors Union, la Suisse. Devant l’aggravation de la dette européenne il n’est plus tabou d’évoquer la fin de l’euro et la dislocation de l’Union européenne. L’esprit de solidarité est de plus en plus fragilisé par son ampleur. Les citoyens comprennent de moins en moins que l’on sauve les banques et l’euro en les appauvrissant sous prétexte de sauver les pays en difficulté.

La crise va rapprocher l’heure des remises en cause. Les élections en France en 2012 et en Allemagne en 2013 vont être l’occasion de prendre des décisions importantes sur les fondements de l’Europe. Cela peut être même plus rapide tant Etats et banques marquent de plus en plus de signes de faiblesse pour trouver des solutions car les poches sont vides.

Il commence donc à se faire jour des idées plus réalistes prenant en compte ces disparités et ces principes viciés de construction. On note le fort rapprochement de l’Allemagne et de la France qui nous vaut de garder la note AAA pour l’instant, avec néanmoins une volonté plus fortement exprimée par la France. L’idée d’une dislocation de la zone euro devient progressivement un champ de réflexion. Une dislocation ouvrirait la voie à une restructuration.

On peut imaginer que les Etats qui en manifesteront le désir et qui auront entre eux des niveaux socio-économiques assez proches, reforment un groupe où une monnaie unique ou commune puisse aider à relancer leur économie, leur emploi et l’augmentation de leur niveau de vie. On pense aux pays fondateurs mais toutes les options devraient être ouvertes et négociables. L’Union européenne pourrait redonner la liberté à tous les Etats de garder ou non leur monnaie. On peut imaginer d’autres zones où les clauses des traités ne seraient pas toutes appliquées ou seraient même nouvelles. Cette plus grande souplesse permettrait même d’envisager d’intégrer des pays comme la Russie et pourquoi pas la Turquie.

L’euro est un carcan qui va tuer la Grèce et bientôt le Portugal, l’Espagne et l’Italie puis d’autres. Les pays visés par les agences de notation se serrent la ceinture jusqu’à se couper la respiration et vont mourir. L’idée de construire l’Europe dans une plus grande souplesse des traités mérite d’être accueillie avec intérêt. Elle peut permettre un passage plus en douceur à un mode de fonctionnement sur une monnaie unique ou commune pour les pays les plus forts et de garder une monnaie nationale ou non pour  les autres dans une Europe bi ou multizones.

La monnaie commune serait sans doute celle qui s’adapterait le mieux à cette évolution. Elle pourrait être un nouveau SME (le Serpent Monétaire Européen qui avait donné satisfaction avant l’euro) où l’ampleur des fluctuations autour de la valeur de référence serait plus ou moins importante selon la zone considérée.

Le problème fondamental des frontières de l’Europe n’a jamais été abordé franchement, ce serait aussi le moment de le clarifier et de trancher entre le principe d’une zone de libre-échange illimitée et une Europe des peuples à vocation fédérale ou confédérale.

On ne peut continuer à asphyxier les peuples

Sans imaginer une autre Europe plus libre et plus démocratique.

Claude Trouvé_8 octobre 2011