jeudi 13 octobre 2011

Mon professeur en feu ou feu mon professeur !

« Ce matin, une femme de 44 ans s’est  immolée par le feu dans la cour du lycée Jean-Moulin à Béziers. Brûlée au troisième degré sur tout le corps, toujours en vie et consciente, elle a été prise en charge par les pompiers et évacuée par hélicoptère vers le centre des grands brûlés du CHU de Montpellier. Elle "devrait s'en sortir".

Après son premier cours ce jeudi matin, la professeur de mathématiques est allée dans la cour à l'heure de la récréation de dix heures, un bidon d’essence à la main. Elle s'est placée au centre de la cour avant de s'asperger de carburant et d'y mettre le feu. Elle aurait crié devant des élèves : "C'est pour vous". Des professeurs et des élèves ont immédiatement tenté d'éteindre les flammes.

Selon le procureur de la République de Béziers, Patrick Mathé, elle "devrait s'en sortir", son pronostic vital n'étant plus engagé, grâce à l'intervention rapide des élèves et des secours. » (Midi Libre du 13/10/11)

Je me permets un grand cri de révolte devant ce fait divers qui va simplement tirer la compassion du gouvernement, faire recaser l’enseignante qui a craqué dans un emploi administratif calme et faire retomber dans l’oubli ce qui ne sera classé que comme un simple incident de parcours d’une personne fragile psychologiquement !

Les actes de désespérance des personnels enseignants se multiplient. Les enseignants sont devant des difficultés de plus en plus grandes. Beaucoup de classes sont surchargées dans les établissements. Les écarts de niveaux sont de plus en plus grands. Les élèves sont de moins en moins éduqués à la discipline depuis le plus jeune âge mais de plus en plus écoutés et soutenus par les parents et la hiérarchie de l’établissement. Ajoutons à cela que les programmes changent en permanence, que les options sont de plus en plus diversifiées. L’effort des enseignants doit se disperser dans de multiples directions.

Enfin l’ouverture des postes de principal et de proviseur, qui met en fonction des candidats issus de l’administration ou des professeurs poussés par les inspecteurs, en raison du constat de leur difficulté à enseigner, ne permet souvent plus à ceux-ci de disposer d’une connaissance nécessaire du métier d’enseignant.

Les professeurs doivent au contraire faire preuve de qualités pédagogiques de plus en plus grandes devant une jeunesse beaucoup plus difficile à gérer. Pourtant on n’hésite pas à donner aux plus jeunes dans le métier les classes les plus difficiles après avoir supprimé l’année d’apprentissage en binôme pour les former ! Coincé entre des élèves de plus en plus indisciplinés et des parents soutenant même l’enfant devant le professeur, plus ou moins abandonné par sa hiérarchie directe, le professeur doit faire preuve d’une solidité psychologique à toute épreuve !

L’habitude du laxisme, sur la notation et la discipline, rend tout enseignant, qui ne cède pas sur ces points, susceptible d’être considéré comme un enseignant « à l’ancienne », terme évidemment très péjoratif. Pourtant l’ancienne école avait placé la France en tête de l’enseignement performant dans le monde entier. Celle actuelle n’a aucune leçon à donner à l’ancienne car on ne juge la qualité d’un enseignement que sur les résultats obtenus en particulier par rapport aux pays étrangers.

La pression est mise par la hiérarchie de l’éducation nationale pour le gonflement des notes mises aux élèves. Les 20/20 se font de plus en plus fréquents, les notes éliminatoires aux examens sont largement écartés pour réussir le « quota », le redoublement est la pire des solutions, les fautes d’orthographe sont considérées comme mineures, la grammaire est un exercice difficile mais superfétatoire, la chronologie dans l’enseignement de l’histoire n’est plus nécessaire à sa compréhension, l’histoire du Mali est plus importante que celle de France, le savoir lire, écrire et compter n’est plus exigible pour l’entrée au lycée, etc., etc.

On n’en finirait pas d’énumérer les raisons pour lesquelles l’enseignement lui-même est dévoyé. La nouvelle idée de mixer les élèves très faibles avec les meilleurs, idée à priori respectable, pour permettre à ceux-là de progresser oublie une donnée fondamentale, c’est que l’objectif pour les plus faibles doit être atteignable, autrement dit la distance de compréhension et de savoir entre ces deux niveaux doit être raisonnablement ajustée. Une distance trop grande ne conduit qu’au découragement. Or malheureusement l’écart entre les élèves d’une même classe rend de plus en plus l’obstacle infranchissable. On a l’effet inverse et une montée de l’indiscipline des élèves démotivés.

Enfin l’autorité du maître est de moins en moins respectée par les parents, souvent plus soutenus par la hiérarchie que les professeurs eux-mêmes. Mai 1968 a introduit le tutoiement des élèves, détruit souvent les règles de conduite dans l’établissement comme l’entrée en ordre dans les classes et plein de marques de respect vis-à-vis du professeur, donc cela a mis dans l’idée des élèves que le professeur pouvait être traité comme un grand frère voire un copain. La distance du respect s’est réduite et l’on en voit les conséquences.

Seuls les professeurs, solides psychologiquement, dotés d’une autorité naturelle et capables de passionner les élèves par le contenu de leur enseignement, donc fin pédagogues et solides dans leur matière peuvent prétendre surmonter les difficultés actuelles de ce métier. Autrement dit cela se réduit à une minorité, la majorité des autres peut soit sombrer dans la désespérance, soit dans le désintérêt de la réussite des élèves.

Enfin quand ces professeurs comparent leur salaire et leurs heures de travail, après plusieurs d’années d’études supérieures pour réussir au CAPES, à celui des dockers, dont le métier très mécanisé n’a plus rien à voir avec celui de 1960, ils se disent qu’il ne leur reste que… leur conscience professionnelle et parfois dans le regard des élèves le remerciement qui leur fait oublier que le professeur devient… un objet consommable et « immolable » !

Les professeurs ne doivent plus être de simples animateurs sociaux

La première clé de la réussite de l’enseignement est l’autorité du maître

La discipline est indispensable à la bonne écoute du maître

L’école doit se recentrer sur les disciplines essentielles dont le savoir lire, écrire et compter

Enfin le but de l’école n’est pas 80% de bacheliers mais 100% de qualifiés !

C’est la conviction du MPF et de Philippe De Villiers.

Claude Trouvé
Chevalier dans l’Ordre des Palmes Académiques