jeudi 4 août 2011

Le trio incontournable : emploi, rigueur budgétaire, intégration (3)

La dette publique 

Dans le précédent article nous avons vu les ressources dont dispose la France, leur évolution et la répartition de leur utilisation. En les comparants avec trois autres pays, Autriche, Allemagne, Italie, nous avons mis à jour des différences d’orientation de leur politique économique. La France s’est avérée comme un pays insuffisamment efficace dans la compétition commerciale, et dépensière dans la gestion de ses administrations.

La politique budgétaire française est d’ailleurs mise en cause par une dette publique importante et croissante chaque année. On peut l’évaluer à mi-2011 à 2063 Mds$ soit environ 1652 Mds€. Ces chiffres sont impressionnants mais on peut les comparer aux dettes de plusieurs autres pays européens et à celle des Etats-Unis. On note que la dette allemande est de 10% supérieure à la nôtre et que celle des Etats-Unis est 10 fois la nôtre.

Ces chiffres sont néanmoins trompeurs. Ces pays peuvent être très différents en population comme l’Autriche et les États-Unis. Ces dettes devront être comblées soit par une création de richesse soit par une ponction sur le niveau de vie (prestations sociales, impôts et taxes, salaires, retraites, etc.) qui dépendent essentiellement du nombre d’habitants.


Milliards $
Dette 2011
Dette/ hab.
Dette/ PIB
Variation annuelle
Autriche
251,8
29845
70,8%
1,0%
Allemagne
2289,6
27599
76,7%
-3,0%
France
2062,6
32684
86,6%
1,7%
Italie
2237,5
37163
119,7%
-4,1%
Etats-Unis
10231,8
32870
67,7%
17,2%
Espagne
876,4
19031
68,8%
9,0%
Les indicateurs les plus parlants sont la dette/hab. qui donne une meilleure illustration de l’effort individuel à fournir et la dette/PIB qui mesure la capacité à éponger la dette. Enfin il faut juger de la variation annuelle de la dette pour connaître la trajectoire sur laquelle nous sommes, augmentation ou diminution et à quel rythme.

La vision de la dette/hab. montre que la France est identique à celle des États-Unis ce qui peut paraître inattendu tant il est dit que la dette des États-Unis est colossale. Mais il est encore plus significatif de comparer la dette/PIB qui montre que notre situation est moins bonne que celle des États-Unis. Ce n’est qu’en regardant la variation annuelle de cette dette que l’on comprend l’émoi actuel sur la dette américaine, celle-ci est 10 fois plus rapide aux États-Unis qu’en France.

On constate que l’Italie a la plus lourde dette/hab. mais ce pays affiche néanmoins la plus grande correction annuelle, la question est « N’est-ce pas trop tard ? ». Ce n’est pas le cas de l’Espagne qui va à la dérive mais dont la dette passée est l’une des plus faibles par rapport au PIB et au nombre d’habitants.

La comparaison de la France et de l’Allemagne montre que notre situation de départ est plus mauvaise et que nous continuons à nous endetter. La rigueur budgétaire est insuffisante alors que l’Allemagne est en passe de réduire sa dette. Sans correction effective il ne nous faudra que deux années pour atteindre à ce rythme le seuil fatidique des 90% du PIB.

Pour mieux discerner le bien-fondé des politiques budgétaires de notre pays, la comparaison avec d’autres s’impose. Le graphique ci-contre montre la variation de la dette depuis 2006. Si les États-Unis ont mené une politique de dépenses budgétaires incontrôlées, que leur a permis leur monnaie de référence, la France se signale aussi par rapport aux autres pays, Autriche, Allemagne et Italie. Notre politique nous emmenait droit dans le mur. L’Espagne y va plus vite mais part d’une dette moins importante, elle atteindrait les limites dans deux ans et demi. Si les États-Unis dérivent plus vite, ils ont plus de marge de ressources dans leur PIB. Notre situation n’est donc guère plus enviable.

   Jetons un dernier coup d’œil sur l’évolution de cette dette durant les six dernières années. Nous pourrons juger des différentes réactions des pays face à la crise. Le graphique ci-contre montre les différentes politiques économiques face à elle. L’effort le plus grand a été fait par les États-Unis qui ont été les premiers à son origine. Leur réaction n’a débuté qu’en 2008 avec un effort budgétaire sur deux plans de relance jusqu’en 2011. L’Espagne a suivi à peu près la même stratégie. L’Autriche, l’Allemagne, la France, l’Italie et l’Autriche ont réagi dès 2007. L’effort le plus soutenu a été celui de la France, 2,5 fois celui de l’Allemagne en pourcentage de variation totale de la dette de 2007 à 2011.Pourtant elle n’a pas réussi à revenir à une variation annuelle nulle de la dette. Sa politique a donc été moins efficace que l’Allemagne en particulier, bien que partie d’une position de quasi équilibre.

En conclusion notre dette publique a atteint un sommet dangereux après une politique de relance dans la crise qui s'avère moins efficace que celle de l'Allemagne. Notre dette par habitant et le pourcentage de ressources nécessaires pour combler la dette sont supérieurs et nous n'avons toujours pas réussi à ne pas la réduire comme eux.

Une politique de rigueur budgétaire et de relance de la compétitivité s'avère indispensable avant que l'endettement ne soit irréversible. Nous sommes sous l’œil des agences de notation et la perte de la note AAA serait un écueil de plus à franchir.

Il convient de jeter un regard sur la structure et l'évolution de nos dépenses et recettes publiques pour orienter les mesures correctives indispensables. Ceci fera l'objet d'un prochain article.

"Qui paye ses dettes s'enrichit"

Claude Trouvé